Bismuth : de quoi la Justice est-elle le nom ?

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 91 commentaires

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On a bien fait de faire provision de pop corn : le feuilleton Paul Bismuth va pouvoir se poursuivre.

Si vous avez manqué les premiers épisodes, on vous les rappelle ici. En résumé, cette affaire dans l'affaire dans l'affaire a permis d'établir, au moyen d'écoutes téléphoniques, notamment entre Nicolas Sarkozy et son avocat Thierry Herzog, des indices de trafic d'influence auprès d'un haut magistrat de la Cour de Cassation. La Cour d'appel, saisie par Sarkozy, vient de valider toute cette procédure, et notamment les fameuses écoutes des conversations Sarkozy-Herzog, bien qu'il soit théoriquement interdit d'écouter un avocat.

Quand un avocat apparait dans des écoutes téléphoniques, les policiers ne doivent pas transcrire ces conversations, et ont le devoir de les oublier aussitôt. Ce qu'ils n'ont pas fait en l'espèce, et dont ils sont absous par la Cour d'appel, au motif, écrit-elle, que "la qualité d'avocat désigné ne se présume pas". En d'autres termes, "Me Herzog, à cette date, n'était pas le conseil désigné de M. Sarkozy, qui lui-même n'était pas partie à ladite procédure", cite Le Monde, qui s'est procuré les attendus de l'arrêt de la Cour.

Etrangement, cette grande victoire de la Justice sur le clan Sarkozy n'est pas saluée par la presse d'investigation qui suit pourtant l'affaire à la loupe, jusque dans les replis du peignoir de Herzog. A l'heure où écrit le matinaute, Mediapart s'est réjoui de cet arrêt de la Cour d'appel, mais pas encore commenté ses attendus. Quant au Monde, il se contente d'un compte-rendu très neutre, sans commentaire. Le seul qui commente, est...Le Canard enchaîné, qui se fend de quelques coups de bec bien sentis aux magistrats, en complétant la citation (incomplète, donc) du Monde : "La qualité d'avocat pressenti ne se présume pas, quand bien même fût-elle de notoriété publique", ont-ils écrit. Formule "tellement faux jeton qu'elle en devient comique", écrit Le Canard. "En résumé, toute la France sait qu'Herzog est l'avocat de Sarkozy, depuis toujours, sauf les juges et les policiers qui les surveillent".

On est ici dans la situation très classique où un fait, un fait obstiné, un fait désagréable, un fait dérangeant (ici, la duplicité de la Cour d'appel) vient ternir le récit d'un combat ô combien légitime. Que faire de ce fait ? Pourquoi Le Canard est-il le seul journal à souligner la "faux-jetonnerie" des juges, et l'attentat contre les droits de la défense ? Pourquoi n'entend-on pas les innombrables défenseurs des libertés qui, voici quelques semaines encore, ferraillaient contre le projet de loi Renseignement, et le spectre de "Big brother" ? Comment qualifier ce consensus général à laisser à la Justice le soin de débarrasser le pays de Sarkozy, à n'importe quel prix ? De quoi la Justice, ici, est-elle le nom ?

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