Biden : malédiction, tout va bien !

Daniel Schneidermann - - Médias traditionnels - Le matinaute - 51 commentaires

Arrêtez tout ! Breaking news ! Joe Biden envisage d'être de nouveau candidat en 2024. Le flash survient hier dans la journée. L'AFP en fait une dépêche. D'innombrables titres de presse, en France et dans le monde, en font leur titre. D'innombrables lecteurs de ces titres se demandent si le nouveau président américain a subitement perdu la raison, pour envisager déjà, à peine installé, la prochaine élection. Que s'est-il passé ? Biden tenait hier sa première conférence de presse. À la question d'une journaliste de CBS sur sa candidature en 2024, il a d'abord, rapporte Le Monde, répondu par l'affirmative, avant de nuancer en brodant sur le destin : "J’ai un grand respect pour le destin. Je n’ai jamais pu planifier avec certitude quatre ans et demi, trois ans et demi en avance". La vidéo le montre d'abord surpris par la question puis, résigné, expédiant comme une formalité une réponse affirmative. Mais peu importe. Le petit morceau de petit bout de petite phrase est aussitôt jugé digne de faire l'objet d'une alerte des agences.

Pour le reste, sur quels sujets ont porté les questions des journalistes ? Le plan de vaccination ? Les modalités du retour de la croissance ? Le gigantesque plan de relance ? Non, rapporte encore Le Monde. Aucune. La plupart des questions ont porté sur l'immigration, et la vente des armes à feu. Il faut dire que la campagne de vaccination est entrée dans son rythme de croisière (Biden espère que 200 millions de doses auront été administrées au 100e jour de son mandat, révisant ainsi à la hausse ses premières projections), et qu'une croissance de 6% est attendue pour l'année en cours. Tout va désespérément bien. Les trains arrivent à l'heure. Pas intéressant. Du sang, par pitié !

Il faut excuser la crétinerie médiatique mondiale. Depuis le départ de Trump, les audiences des télés se sont effondrées. Biden est jugé "ennuyeux" par des spécialistes de la communication politique. Ennuyeuse, la vaccination. Ennuyeux, le plan de relance. Ah, parlez-nous des conférences de presse de Trump, ses insultes, ses menaces, ses fake news. Comme on aimait alors avoir peur ! Comme on se sentait vivants ! Rien de plus ennuyeux que la démocratie, quand elle fonctionne. C'est pourquoi Biden se résigne à fournir à la presse ce "yes", comme on prescrit en cas de nécessité une pilule de Viagra. Les marchands de poison doivent bien faire avec ce qu'ils ont.

Lire sur arretsurimages.net.