BHL, les guerres et les tartes

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 49 commentaires

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Cet aveuglement du système sur lui-même, cet aveuglement de boeuf.

Alors, Bernard-Henri Lévy, demande Benoit Duquesne à son invité, à qui il vient de consacrer toute son émission, alors, les medias, votre image, votre chemise, c'est important pour vous, non ? Et, perspicace : "Vous mettez en scène tout ce que vous faites". L'autre : "J'essaie d'être efficace". Duquesne : "Et ça passe par les medias ? Est-ce qu'il y a une part de drogue dedans ? Les caméras, c'est indissociable de vous ?" Alors BHL : "Posez-vous ces questions à vous même. Vous m'invitez aujourd'hui, vous avez voulu faire ce film, vous savez très bien que je n'étais pas très chaud. Interrogez-vous vous, pourquoi vous avez voulu faire un film sur moi." Bien joué, une fois de plus. Cet aveuglement du système, à s'interroger gravement sur "les sources du pouvoir de BHL", alors qu'il lui suffirait de prendre un miroir !

Une heure entière de film sur la geste béachelienne, avec Minc, Bergé, Pinault, Dombasle, tous les incontournables. Mais pas seulement. Parce qu'ils ont aussi interviewé Frédéric Pagès, le créateur du fameux Botul, (vous vous souvenez ?) et, comble de l'impertinence, l'entarteur Noël Godin, l'équipe de France 2 s'imagine peut-être avoir fait un film "objectif" sur BHL, avec ce qu'il faut de critique. Mais faire un film "objectif" sur BHL, ce serait se rendre aujourd'hui à Tripoli ou à Benghazi, où l'on assassine dans les rues, où l'on égorge, après cette chute de Kadhafi voulue et orchestrée par BHL, et nourrie par l'argent de BHL -ah, ce passage, où l'un des chefs de la révolution libyenne raconte comment il s'est vu proposer le "kit BHL" : transfert en France en jet privé, conférence de presse dans un palace et rencontre avec Sarkozy, tous frais payés, "cadeau à la Libye". Un film "objectif" sur BHL supposerait d'aller enquêter au Mali -qui parle encore du Mali ?- sur l'onde de choc de la révolution libyenne dans la sphère d'influence de AQMI. Mais il y faudrait du temps, et de l'argent, car l'équipe ne serait pas trimbalée dans le jet du personnage.

Dans cent ans, quand on se penchera sur nous comme nous nous penchons aujourd'hui sur les Années Folles, comment les archéologues considéreront-ils BHL ? Comme une sorte de Péguy, dont nous ne cessons aujourd'hui de redécouvrir la modernité multi-facettes, ou paradoxalement plutôt comme un Barrès, un pousse-à-la-guerre à courte vue, daté, englué dans les obsessions de son époque ? Hors la guerre -les guerres- et les tartes, que restera-t-il de BHL ? Sur cette vaste question, cette chronique s'interrompt pour quelques semaines. Mais le matinaute ne dort jamais que d'un oeil !

Màj, 15 heures : j'apprends à l'instant la mort de Benoit Duquesne, sur qui j'écrivais ce matin comme sur n'importe quel personnage de télévision. Emotion soudaine en repensant à Benoit, camarade de ma génération, côtoyé voici si longtemps lors de nombreux reportages communs.DS

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