BFM/RMC : "émotion" chez les stars

Daniel Schneidermann - - Médias traditionnels - Le matinaute - 62 commentaires


Emus. Les stars de BFM et RMC sont "émues". Il faut entendre leurs mots, car ils sont importants. Il faut regarder leur émotion, car elle est certainement sincère. C'est Apolline de Malherbe qui parle"Nous sommes tous émus, parce que c'est un groupe de gens travailleurs, valeureux, responsables. Cette émotion et cette colère devront être entendues". Existe-t-il des groupes de salariés paresseux, sans valeur, et irresponsables ?

C'est maintenant Olivier Truchot (co-animateur des Grandes Gueules) : "Le choc est rude pour les salariés. La colère elle est là. On  ne va pas débattre de l'intérêt ou non de faire grève, parce que les négociations n'ont pas commencé. La direction doit entendre cette colère, parce que c'est la colère de gens qui sont dévoués. Je suis assez ému à en parler, parce que ça fait 19 ans que je suis là, j'ai jamais connu ça. Il faut en sortir, il faut trouver des solutions. J'espère qu'on va en sortir par le haut". Pour autant, les Grandes Gueules ne font pas grève. Alain Marschall : "On a décidé avec Olivier de travailler parce qu'on a une émission à faire, et c'est ce qu'on fait aussi à travers ce petit message".

Motif de la grève de NextradioTV, qui a empêché hier l'enregistrement d'un débat sur les Municipales à Paris (voir notre récit) : le plan de départs de la direction annoncé le 19 mai, et qui prévoit la suppression de 330 à 380 postes, soit jusqu’à 30 % des effectifs, et la réduction de 50 % du nombre de pigistes et d’intermittents. La direction tire argument du manque à gagner publicitaire consécutif au confinement. Mais les affaires ne sont-elles pas en train de reprendre ? Mais l'actionnaire Patrick Drahi n'a-t-il pas les poches assez remplies pour aider NextradioTV, la branche d’Altice Médias qui coiffe les chaînes BFM-TV, BFM Business, RMC, RMC Sport, et les télévisions locales de BFM (Lyon, Paris…) à franchir cette passe difficile ? "L'émotion" des stars ne va pas jusqu'à poser ces questions à l'antenne, ni jusqu'à enquêter sur ces points. Mais ça viendra peut-être.

Sans doute Truchot, Marshall, Malherbe, Elkrief, Bourdin et les autres, se croyaient-ils à l'écart du monde social. Préservés de sa sauvagerie par leur "valeur" et leur sens des responsabilités. Sans doute se sont-ils, à la longue, auto-conditionnés à considérer le mot "intersyndicale" comme un gros mot -comme le journaliste Julien Bellver de Quotidien (TF1), expliquant que les négociations se déroulent "entre la direction et la rédaction".

Des années durant, BFM a structurellement feignantisé les grèves. BFM a criminalisé les Gilets jaunes, ou les manifestants contre la réforme des retraites. A chaque manifestation, quelle qu'elle soit, BFM zoome pendant des heures sur les feux de poubelle (ce qui, paradoxalement, lui vaut aussi épisodiquement la colère du pouvoir). Les Grandes Gueules de RMC se sont débarrassées du syndicaliste de Sud Rail Anasse Kazib, une des seules "grandes gueules" ouvrières, qui sans doute polluait l'antenne. Quelle que soit la valeur de ses reporters de terrain, BFM est avant tout la station de Christophe Barbier, cynique clown en écharpe, acteur manqué qui surjoue chaque matin sa plaidoierie pour toutes les causes réactionnaires.

Les stars de BFM et RMC se découvrent variable d'ajustement comme les autres, simplement mieux payées, et évoluant, croyaient-elles, au coeur du pouvoir et de l'influence. Voilà pourquoi cette grève sera intéressante à observer. Notamment sur BFM et RMC !


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