BFM, Libé, et l'homme de ménage

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 71 commentaires

A l'origine, c'est un court reportage de BFM (groupe Altice / Drahi) qui raconte l'odyssée quotidienne d'Alain Fonteneau, homme de ménage de 55 ans qui, depuis le début de la grève des transports contre la réforme des retraites, parcourt 30 kilomètres à pied pour rentrer chez lui, à La Verrière (Yvelines). 

Des internautes ayant immédiatement douté de la trop belle histoire, la rubrique Checknews de Libération (groupe Altice / Drahi) est saisie de l'enquête. "Et ce n’était pas très compliqué, reconnait la journaliste Pauline Moullot : tout Libé l’a reconnu dès la première seconde du reportage de BFM TV. Car l’homme fait le ménage à l’étage du journal, situé dans le même bâtiment que la chaîne d’info en continu"

A partir de là, se pose pour Checknews une question délicate. Comment traiter d'une affaire dont les deux principaux protagonistes (Alain Fonteneau, et la journaliste de BFM) travaillent dans son propre immeuble du "Altice campus" ? Si Checknews confirme, sur le fond, que la belle histoire est vraie (employé d'une société de sous-traitance, Fonteneau parcourt bien 30 kilomètres à pied chaque jour pour rentrer chez lui), le site pointe deux omissions de ses confrères de BFM : la chaîne n'a pas mentionné que le marcheur était homme de ménage à BFM. Affirmant que l'employeur de Fonteneau lui a proposé de "rester chez lui", BFM n'a pas mentionné non plus que dans ce cas-là, sa journée non travaillée aurait été décomptée sur ses congés. Pourquoi BFM n'a-t-elle pas mentionné ces éléments ? Désintérêt ? Autocensure ? Checknews ne le dit pas (la journaliste de Checknews ne précise d'ailleurs pas si elle a contacté sa consoeur de BFM, ni si cette dernière a refusé de lui parler, et pourquoi.)

Ces derniers jours, nous nous posions ici la question de savoir comment étaient prises en compte les journées non travaillées pour les hommes et femmes de ménage, le plus souvent employé.e.s par des sociétés de sous-traitance. Les télés n'en parlent jamais, préférant se consacrer au "désarroi" des commerçants. Au passage (dans l'article de Checknews, et pas dans le reportage de BFM), on apprend comment, en temps normal, se décompose la journée d'Alain Fonteneau. "En temps normal, dit Checknews, il travaille quelques heures le matin (de 6h30 à 9h30) puis coupe jusqu’à 14h15, retravaille dans le restaurant d’entreprise pendant une heure, puis refait le ménage dans les bureaux de 17 heures à 20 heures.

"En temps normal", Alain Fonteneau a donc des journées d'une amplitude horaire de 13 heures 30, ce qui, à première vue, semble supérieur à l'amplitude maximale prévue par la convention collective du nettoiement (13 heures). Cette description du "temps normal" est évidemment l'information la plus intéressante de toute l'affaire, même si elle n'est pas mise en valeur (voire omise, dans le reportage de BFM). S'il fallait un marqueur, dans la frontière brouillée entre la gauche et la droite, on pourrait le discerner dans ces quelques lignes.

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