BFM et "l'affaire est close" : Duhamel s'explique

Daniel Schneidermann - - Investigations - Le matinaute - 81 commentaires

"Vous en voulez à Brice Hortefeux ?" demande le présentateur de BFM à Alain Duhamel, éditorialiste maison. "Ah écoutez, il m'a piégé sans le vouloir,  peut-être sans le savoir". Duhamel pensait être invité "à un domicile privé", ou à "un bureau". Quelle ne fut pas sa stupeur en se découvrant soudain au milieu de gens qui déjeunaient ! Mais Hortefeux, l'affaire découverte, a été "correct", tout en présentant "ses regrets" à Duhamel. "Comme je suis plutôt bien élevé, je n’allais pas faire un esclandre en m’en allant, expliquait Duhamel à Médiapart, qui a révélé l'affaire, mais j’étais tellement troublé qu’en sortant, je me suis trompé de Uber et ne m’en suis aperçu qu’au bout de 300 mètres."

Et voilà donc comment Duhamel, absous par cette chaîne qui n'en finit pas de décréter que "l'affaire est close", va pouvoir continuer, sur BFM, de s'inquiéter des collégiens sans masque qu'il croise dans la rue, de la "transgression grave" du carnaval de Marseille, ou de considérer (le 6 avril dernier, après son déjeuner clandestin, donc) que les repas clandestins sont un "épiphénomène".  Voilà comment la nomenklatura s'auto-absout, en direct, sous vos yeux éblouis. Comment en serait-il autrement ? La liste des convives clandestins de BFM ne cesse de s'allonger, des éditorialistes Gosset et Toussaint (mais ils ont participé, qui à un "séminaire" qui à une "conférence"), en passant par Fogiel, et son repas à emporter consommé sur place (si j'ai bien compris).

Ledit Brice Hortefeux, d'ailleurs, puissance invitante, comment se serait-il méfié ? Les activités du chef Leroy avaient fait l'objet d'un reportage élogieux dans un journal aussi sérieux que Ouest France, comme nous le révélions. Mais qu'on ne s'inquiète pas : cinq jours après la révélation de l'affaire, la PJ était à pied d'oeuvre, pour aller perquisitionner le restaurant. Au-delà du cas Duhamel, qui confirme là sa nature profonde de boussole qui marque le sud, c'est un système qui, à mesure que la liste s'allonge, se trouve dévoilé. Comment expliquer, sinon, une si longue impunité ?

J'ai le droit d'être un peu primaire ? Sur cette affaire de repas clandestins, il y a eux et nous. A nous l'observation des consignes sanitaires, les reclusions, les routines. A eux la vie qui continue, comme avant, sous nos yeux, avec ses passe-droits, ses coupe-file, ses salles à manger privées. Et les aveux forcés, quand ils y sont acculés (dans une première version de son article en ligne, BFM avait même omis de citer le nom de Duhamel), qui ne constituent qu'un acte supplémentaire du spectacle.

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