Baupin : les deux Justices

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 66 commentaires

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martèle Emmanuelle Cosse sur France Info.

"Ce débat doit avoir lieu devant la Justice" On guettait sa réaction, avec nos sachets de pop corn. Où serait-elle ? Sur quelle Matinale ? Invitée avant "l'affaire", l'ex-secrétaire nationale de EELV, actuelle ministre du Logement, et compagne de Denis Baupin, "ne s'est pas décommandée" souligne Jean-François Achilli. Et donc, que dit-elle, au lendemain de la démission de son conjoint du poste de vice-président de l'Assemblée ? Qu'elle ne savait rien du harcèlement et des agressions qui lui sont reprochés, ce qui contredit plusieurs témoignages recueillis la veille par différents medias. Que les faits allégués sont graves, très graves. Et surtout ceci, qu'elle répète : les faits allégués sont si graves, que "ce débat doit avoir lieu devant la Justice".

L'élément de langage est au point. Tellement au point qu'il scotche sur place ses intervieweurs de France Info, qui ne trouvent rien à y répondre. Sauf qu'il ne veut rien dire. Pour que le débat "ait lieu devant la Justice", il faudrait une plainte. Soit des victimes, soit de Baupin, soit du parquet, qui peut toujours s'autosaisir. Or chacun sait depuis la veille que les faits, pour la plupart d'entre eux, sont prescrits. Ni les victimes, ni le parquet, ne pourront donc être à l'origine d'une plainte. Reste Baupin, qui a fait annoncer par son avocat qu'il "envisageait" de porter plainte, sans préciser explicitement pour quel motif. S'il porte plainte pour diffamation, ou pour atteinte à la présomption d'innocence, hypothèses les plus probables, le débat ne portera pas sur les faits eux-mêmes, mais sur le travail des journalistes, ce qui n'est pas du tout la même chose. On passera au crible le sérieux de leur enquête, leurs prudences ou imprudences d'expression. La réplique de Cosse est une tentative, bien peu convaincante, de rejeter la balle aux accusatrices.

Denis Baupin "ne peut pas s'exprimer", déplore Cosse, en passant, pour souligner l'Injustice dans laquelle il est plongé. Là encore, aucune objection de ses intervieweurs. Pourtant, qui l'en empêche ? Qui lui interdisait de répondre à Mediapart et France Inter, qui l'ont évidemment sollicité, au cours de l'enquête ? La Justice médiatique, celle qui a frappé hier le vice-président de l'Assemblée, est implacable. Elle n'offre aucune des garanties de la Justice des tribunaux. Elle est sans appel. Elle déploie ses échafauds devant le grand public des voyeurs, avec leurs sachets de pop corn. On peut la trouver laide. On peut se trouver laids, public captif que nous sommes, avec notre pop corn. On peut lui trouver tous les défauts du monde. Mais il se trouve qu'elle comble un vide. Dans ce cas précis, c'est elle, ou rien.

Mise à jour, 11 h 15 : contrairement à ce qui était supposé dans la chronique, le parquet de Paris a décidé, dans la matinée, d'ouvrir une enquête préliminaire. A la différence d'une information judiciaire menée par un juge indépendant, l'enquête préliminaire est placée sous l'autorité du seul procureur, lui-même hiérarchiquement soumis au gouvernement. Si les faits sont effectivement prescrits, cette enquête ne pourra que se terminer par un classement sans suite. Par ailleurs, l'avocat de Denis Baupin, Emmanuel Pierrat, a annoncé que le député déposait plainte pour diffamation. DS

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