Alpes : effritement ou écroulement ?
Daniel Schneidermann - - Alternatives - Le matinaute - 49 commentaires Télécharger la videoTélécharger la version audio
Les Alpes s'écroulent,
titre le 20 Heures de France 2. Les Alpes. Chez nous. Pas sur un lointain ilôt du Pacifique, menacé de submersion. Pas la banquise, dont la fonte menace les ours blancs tellement attendrissants. Les Alpes. Depuis que reculent les glaciers, depuis que cède donc le permafrost, ce mélange permanent de glace et de roche, les effritements de pans entiers de roche n'ont jamais été aussi fréquents (160 cet été, contre quelques dizaines habituellement).
Pujadas y va fort. Si les Alpes "s'effritent" sur le site de France Télévisions, elles "s'écroulent" dans le JT. L'écroulement des Alpes est le nouveau sujet symbolisant l'urgence climatique. Il s'étalait sur deux pages du Monde le week-end dernier. Peut-être cette image des funestes éboulements va-t-elle remplacer, en France en tout cas, celle du craquement de l'iceberg, vue et revue dans les JT dans les vingt dernières années.
Sera-t-elle plus mobilisatrice, en tout cas pour les Européens ? L'iceberg, c'est loin ; les Alpes, c'est chez nous. Davantage de Français ont randonné un jour dans les Alpes, que crapahuté sur la banquise. Mais qu'est-ce qui est encore de nature à mobiliser les peuples, sur l'urgence climatique, puisque ni les arguments chiffrés, ni les images émotionnelles, ni le discours modéré ni le discours alarmiste, ni le "s'effritent" ni le "s'écroulent" n'y parviennent vraiment, en profondeur, puisque ni les uns ni les autres ne nous conduisent vers le vote écolo, et puisque le gouvernement peut se prévaloir de cette indifférence pour refuser la circulation alternée à Paris les jours de pollution, pour prétendre reprendre les travaux de construction de Notre-Dame-des-Landes, aéroport qui n'a d'autre finalité que d'anticiper / provoquer un accroissement des vols low cost vers les séjours touristiques dans les pays chauds, et puisque Hollande, en visite en Corée, explique -c'est la dernière en date- que c'est "le transfert de technologie vers les pays émergents" (comprenez, les ventes d'Airbus à la Chine), qui sauvera la planète.
Pourquoi notre cerveau refuse-t-il d'intégrer cette urgence-là ? C'est le sujet d'un passionnant petit dialogue entre un climatologue et une journaliste, qui ont la particularité d'être frère et soeur, Eric et Catherine Guilyardi. Le livre s'appelle "Que feriez-vous si vous saviez ?" (Editions Le Pommier). Ils parlent moins de l'urgence climatique, que de la difficulté d'en parler. Ils seront sur notre plateau vendredi. On aura plein de questions à leur poser.