Ah, si on avait pu voter en Iran !
Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 109 commentaires Télécharger la videoTélécharger la version audio
On a dû rêver.
Avant l'élection iranienne, les reportages dépeignaient une campagne électorale d'une liberté de ton inédite, des meetings pro-Moussavi dans lesquels Ahmadinejad était sifflé, une caste dirigeante divisée, un "printemps de Téhéran" à venir. On nous avait raconté un débat télévisé sans concession, n'ayant rien à envier à notre affrontement Bayrou-Cohn-Bendit. Moussavi, porté par l'aspiration à la liberté d'un peuple entier, avait des chances, de grandes chances. |
Ahmadinejad gagne, avec 62 % des voix. A l'heure où surfe le matinaute, pas une preuve, pas une seule, n'est apportée de l'existence de la moindre fraude. Des présomptions, des indices, oui. Le faible score de Moussavi à Tabriz, région dont il est originaire ; le bon score d'Ahmadinajad à Téhéran, ville où il est, selon les iranologues, impopulaire; la coupure des communications téléphoniques. Mais aucune de ces présomptions ne constitue une preuve (preuves d'autant plus difficile à apporter, que plusieurs correspondants internationaux, ont dû quitter le pays sous pression, comme nous le relations hier). Cela n'empêche pas les médias internationaux de crier à l'élection truquée. Le clergé, hier encore opposé au président en place, aurait soudain fait bloc pour le soutenir. Et de doctes universitaires de détailler la puissance des institutions de répression du régime, qui corsètent toute liberté d'expression, et notamment les médias.
Ahmadinejad est un sale bonhomme, qui dit des horreurs sur Auschwitz, il ne pouvait donc pas gagner. En Iran comme ailleurs, nous avons toujours nos favoris, le plus souvent d'ailleurs mieux représentés dans les capitales, dans les quartiers des grands hôtels où descend la presse, plutôt que dans les lointaines campagnes misérables. Nous préférions (avec raison) Gore et Kerry à Bush, en 2000 et 2004. En Ukraine, en Géorgie, partout, nous préférons les "révolutions orange" à toutes les autres forces politiques de ces pays. Les anti-Syriens l'ont d'ailleurs bien compris au Liban, qui ont adopté eux aussi la couleur orange, pour rallier nos suffrages. Quel dommage que nous n'ayions pas le droit de vote en Iran, en Ukraine, en Géorgie, au Liban, partout où les gentils n'attendent que notre soutien. Là, au moins, on irait voter.