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tony
D'un point de vue strictement "marxiste", il n'y a strictement aucune différence entre le paiement en nature ou son équivalent en espèce d'un fermage: l'extraction de plus-value (ou "sur-travail") est exactement de même nature et de même ampleur.
Cette "fake news" n'en est donc pas une, mais ce qui est très intéressant est que le rapport d'exploitation en nature, dans sa forme "médiévale", choque tout le monde parmi la rédaction et les asinautes, au point de faire un buzz, alors que dans sa forme "capitaliste", le versement en espèce ne choque absolument plus personne, ce qui montre à quel point l'idéologie capitaliste (ou "bourgeoise" au sens de Marx) a su culturellement masquer l'aspect totalement archaïque des rapports de production que le capitalisme impose aux démunis (les non propriétaires, ou "prolétaires", ie ceux qui ne possèdent rien d'autre que leur propre force de travail, qu'ils doivent louer pour survivre).
C'est ce même processus d'effacement idéologique de la brutalité des rapports de production capitalistes qui fait que plus personne aujourd'hui ne semble capable de voir qu'il n'existe aucune différence sinon de forme entre le servage dans le mode de production "médiéval" et le contrat de travail dans le mode de production capitaliste.
"-Payer en kilos de viande et en quintaux de blé, mon Dieu quelle horreur, quels méchants seigneurs, il faut leur couper la tête!!!
-Ah bon, ils sont payés en espèces? Ah tout va bien alors, ce n'est que la juste rémunération de la mise à disposition de leur patrimoine au fermier! Après tout ils ont signé un contrat en toute légalité!"
La "vérité" a été rétablie, et le "scandale" est immédiatement éteint, simplement pour une question de forme (versement en nature ou espèce), alors que l'exploitation est de même nature et de même ampleur.
Or en vérité il faut choisir: soit le fermage est considéré comme une pratique scandaleuse en soi quel que soit le mode de versement (vision marxiste), soit c'est un "juste échange" entre un détenteur de capital (ici foncier) et quelqu'un qui a besoin de celui-ci pour travailler et subvenir à ses besoins (vision libérale ou "bourgeoise"): dans le second cas, le versement contractuel en nature n'a alors rien de scandaleux en soi.
Et pourtant on voit bien que ça choque tout le monde tant cette pratique fait apparaître crûment la brutalité et l'archaïsme d'un tel rapport de production.
Cette petite affaire montre de façon très intéressante en quoi la "contradiction" entre la violence concrète des rapports salariaux et marchands du capitalisme et ce qui reste d'une aspiration "culturelle" traditionnelle à l'égalité entre être humains n'est toujours pas résolue, y compris dans la France du XXIe siècle. -
Diogene
Vous avez aussi du vous faire avoir par la tendance nouvelle à acheter directement au producteur. 218kg de viande par an, ça fait à la louche 600g de viande par jour pour une famille, ça ne semble pas totalement impossible. Si les fillons avaient été livrés chaque semaine... En revanche, pour le blé, à moins d'avoir un moulin... -
craiguy
J'ai vu l'émission sur youtube mais effectivement l'extrait pouvait tromper.
Ensuite j'avais vu sur Mediapart en quoi consistait le paiement de cette forme de servage.
Qui au final est annexé sur le prix du marché... Ensuite j'ignore si au final cela le situé au dessus ou en dessous du prix du marché? -
bistouille
Bonjour,
"Fake-news", c'est un peu fort pour la mauvaise interprétation d'un contrat de métayage.
Ce qui me semble toujours étonnant, c'est que cet élément soit repris et propagé, "popularisé" si vite par les lecteurs, les réseaux sociaux etc...
Pourquoi cet élément plait-il autant? Pourquoi le relaie-t-on plus que les éléments concernants la société de consulting de Mr Fillon par exemple? Si l'on fait la conversion en numéraire, c'est rien comparé aux autres revenus du foyer Fillon.
Je ne connais pas le coût du foncier dans la Sarthe, sans doute cet imposant manoir vaut-il moins qu'un mas dans l'arrière-pays niçois, ou qu'une vieille meûlière en proximité parisienne.
Mais tout est dans la force du symbole, qui nous ramène inexorablement à l'Ancien Régime, et à ses Privilèges: un manoir, des métayers, cette photo improbable qui ressemble à un portrait du Baron entouré de sa nombreuse progéniture. Ses fréquentations se nomment De Castries et Ladreit De Lacharrière, même si la particule lui fait défaut pourtant.
C'est pas grave Monsieur Fillon, soyez-en certain, un jour viendra où les "sans-culotte" vous considèreront comme appartenant à cette belle aristocratie qui semble tant vous manquer, et vous réserveront le même destin. -
Julot Iglésias
Saluons le fair-play de la rédaction d'@si, qui reconnait son erreur.
On notera que nous avons une fois de plus été victime d'une image. Une image qui a un moment oblitéré notre bon sens.
Cette image, c'est celle que nous avons envie de coller à François Fillon : celle du seigneur devant son château. Ce cliché à fait croire un moment à la survivance - qui était peu vraisemblable - de certaines pratiques médiévales. -
cécile clozel
À tous ceux qui sont scandalisés parce que Fillon "se comporte comme un seigneur", je voudrais juste rappeler que dans notre société, pour pouvoir jouir d'un bien, il faut en général ou en hériter, ou l'acheter, ou le louer. Et qu'en particulier rares sont les paysans qui peuvent travailler gratuitement des terres qui ne leur appartiennent pas.
... et par chez moi, il y a pas mal de jeunes agriculteurs en cours d'installation qui voudraient bien que les propriétaires "se comportent comme des seigneurs", c'est à dire louent leurs terres*, au lieu de se les garder en friche pour être peinards dans leur résidence secondaire quand ils y viennent, quinze jours dans l'été...
... et qu'en somme, il y a des systèmes pires que le féodalisme pour les paysans, et on y est dedans (et ça peut empirer encore).
*et je vais pas développer sur ceux qui les vendent à des promoteurs... -
Tazio Firelli
Pourquoi parler de "fake news"?
ou plutôt qu'est ce qui est faux?
Je crois qu'ASI pêche par excès de zèle et auto-censure, c'est plutôt ça qu'il faut interroger.
Évidemment que Fillon ne stock pas de blé pour lui même afin que Pénélope puisse le moudre et en faire du pain pour le petit déjeuné, et qu'il ne sèche pas la viande dans la cave de son domaine...
Mais qui peut comprendre l'article du canard ou l'extrait de l'émission comme soutenant une telle idée ?
Bien sur, le fermier a la charge de produire de la nourriture, et c'est a raison pour laquelle le contrat qui le lie mentionne ces mesures, mais évidemment que c'est la valeur de cette viande et de ce blé qui est l'objet du contrat, donc bien évidemment le fermier liquide (= vend = transforme en monnaie) le blé etc... et enfin le fruit de cette vente revient à Fillon.
A quoi ça sert de formuler le contrat comme cela? Et bien deux choses, d'une part le fermier n'a pas à se soucier de la variation du prix de ces denrées vis à vis de ce qu'il doit à fillon: peu importe que le blé ne vale rien ou de l'or, il devra le produit de sa vente et c'est tout. Mais ca signifie bien que pour le fermier sa dette à l'égard de fillon c'est du blé et de la viande, c'est à dire ce qu'il produit, et c'est ce qui est justement exprimé dans la vidéo. De l'autre coté, Fillon peut toujours demander à son fermier de lui réserver une partie de cette nourriture et de ne vendre que le reste, ce qui assure à la famille la meilleure viande et le meilleur blé du fermier. Évidemment, il n'en a pas besoin et n'utilise pas cette faculté en préférant le cash, mais enfin c'est effectivement une pratique de féodalité. Le contrat est la loi des parties et si demain (à l'absurde) les supermarchés sont vides Pénelope se rappellera de ses cours de droit et ira taper à la porte de ses fermiers pour être payée en nature, n'ayons crainte. C'est bel et bien de la féodalité où le seigneur a un droit sur le blé que cultive son paysan.
Mais au sens fort, et ça c'est pas de la fausse info. Fillon se comporte bel et bien comme un seigneur sur sa propriété, il possède la terre que d'autres cultivent et de ce seul fait de posséder a droit au fruit de la terre. Fin... oui... c'est un procédé de domination féodal, et le fait que les échanges soient médiatisés par de la monnaie n'y change rien. D'ailleurs ils l'ont sans doute toujours été en partie. On vit en régime capitaliste mais ce régime de domination là, qu'était la domination par la propriété des terres et qui fonctionne sur la spoliation de la production agricole, en est juste le prédécesseur. Simplement il en existe encore des traces. Et il n'y a pas de raison de s'auto-flageller pour en avoir à juste titre relevé une.
Un mec qui se comporte comme un seigneur et qui veut pécher le poste qu'on a créé en guise de monarche, dans une République, ca fait mauvais genre. c'est vrai, et c'est pour ça que la vidéo a bien tourné, à raison.
Par contre, la mention du "nouveau seigneur de mon cul" dans l'article du canard est vraiment surprenante. "nouveau"? mais alors cette stipulation n'est pas seulement qu'un vieux truc qu'on a écrit par tradition, par usage? sans quoi ca n'a pas de sens de mettre "nouveau". Donc c'est une stipulation rédigée après l’acquisition du domaine par Fillon? (c'est ce que j'avais compris dans commission) Dans ce cas Fillon utilise bel et bien le mot "seigneur" pour parler de lui même, parce qu'il se considère comme tel et donc reprend les usages juridiques appropriés.
Donc si la citation du canard est vraie,
Le mec se prend vraiment pour un seigneur au XXIem siècle et la façon qu'il a eu de rédiger ou faire rédiger ce contrat en est effectivement le signe.
Ce qui est mis à jour ici c'est le mécanisme du privilège qui a parfaitement su résister à l'abolition déclarée des privilèges. Mine de rien Fillon a des revenus du fait du travail des autres sur des terres sur lesquelles il n'a meme pas besoin de mettre les pieds, en cas de disette il a une créance finalement alimentaire sur des agriculteurs, et mieux! sur ce qu'ils produisent il a le droit au meilleur. Voilà la mise au jour d'un privilège qui trouve son fondement dans de vieilles pratiques sociales et juridiques avec lesquelles on a jamais vraiment rompu. Pour moi Pinçon Charlot illustre parfaitement sa thèse en prenant cet exemple, et la dédire en parlant de fausse info, c'est perdre une vraie information.
Ce contrat est bel et bien un archaisme féodal à tout point de vue, c'est une garantie contre le risque "faim" qu'on érige à une époque où on a pas besoin de se garantir contre ce risque, c'est un peu con mais c'est de la faute de Fillon, pas d'ASI. -
evemarie
Cette correction devrait être gratuite, comment on peut contrer votre erreur sans votre démentie, j'ai déjà reçu votre post dans mon fils FB, avec la fausse infos. -
Monsieur X
Le problème c'est le terme de propagande "fake news". Vous n'avez pas fait une "fake news", vous avez fait une erreur, initiée en amont, propagée en aval, comme ça arrive depuis les débuts de la communication verbale. Certes, il y a une méthodologie journalistique pour se prémunir de ces erreurs, mais c'est un vaste compromis sur les méthodes qu'emploient les scientifiques quand sur les mêmes sujets ils veulent trier le vrai du faux, et même leurs méthodes sont loin d'être complètement étanches. Un journaliste devrait intégrer qu'il produit son lot d'information fausse en toute bonne foi, de même qu'un développeur sait bien qu'il laisse toujours des bugs derrière lui.
La question la plus intéressante pour moi, c'est l’apparition même de ce terme de "fake news", traduit ici aussi sec (et pourquoi pas) en "infaux".
Premier effet spectaculaire : son adoption quasi simultanée non seulement aux USA, mais en France, le tout dans une fenêtre de temps très réduite. Le phénomène n'est pas isolé, on a vu par exemple le "mot" chaos arriver dans des dizaines de titres d'articles à propos de Trump dans une fenêtre de 48h. Il y a des similitudes avec un marronnier d'@si (une photo unique fait 90% des unes papiers en cas de grande tragédie internationale) mais ça mérite certainement ses propres explications. D'autant qu'ici le soupçon de de lancement de tendance par des professionnels de la communication n'est peut être pas à exclure.
Second effet: alors que la mayonnaise "conspirationniste" avait bien pris dans sa mécanique de bloquer tout débat avec les contestataires, le fait que le ramassis de ces déplorables aient réussi à avoir un président à eux crée une situation inédite qui a permi à celui ci de retourner le terme très vite à ceux qui comptaient bien l'employer pour le caractériser et troubler le jeu. Lui même agissant très près des médias visés (Infowars, Breitbart) qui avaient depuis plusieurs jours commencé à accumuler des relevages en règle de "fake news" des médias mainstream, le Washington Post en tête (dont il faut bien dire qu'il ne s'était pas loupé).
Ce judo de communication (totalement indépendant, tout le monde l'aura compris, de savoir ce qui est vrai et ce qui est faux) me semble un bon sujet au moins pour un article, voire un débat. A condition d'inviter des gens de sensibilités variées, s'entend :) -
Adarr
Euh, le métayage reste du métayage. Que l'on soit payé en bien ou en monnaie. Oui c'est bien du métayage, pas du fermage. Le fermage est un simple loyer encadré.
ça reste une pratique d'exploitation du travail des autres. La pire qui existe. Je te ponctionne une partie des tes profits pour avoir simplement mis à disposition ma terre. Ce n'est pas un loyer, mais une pure ponction du travail de l'autre.
ça a un sens tout ça. -
Germain RITAL
[quote=Daniel Schneidermann]Bon, on assume. On ne peut pas tout connaître.
Mais qu'"assume"-t-"on" ainsi, que vous ne pouviez refuser: d'avoir fait une "erreur": tellement et si rapidement avérée médiatiquement que cela aurait été publiquement se déconsidérer que de ne pas le reconnaître. Mais de honte de la faute ainsi commise "on",commodément, vous permet de personnellement vous exonérer complètement. Alors qu'il faudrait au contraire en éprouver le ... bienfait. Car la honte est le plus sain des sentiments humains: celui des limites assignées à notre responsabilité quand nous les avons outrepassées. Impossible sans elle d'opposer à l'empire de la connaissance dont, fût-ce négativement, vous vous prévalez vainement la docte ignorance dont, partant de Nicolas de Cues, Lacan a rappelé le pouvoir de nous faire échapper à l'ignorance, elle crasse qui nous soumet, avec quelle violence désormais, à l'ordre de la seule connaissance. -
David
Information qui en tant que telle ne me paraissait pas plus délirante que cela. Mes parents qui ont hérité de terrains viticoles - mon grand-père était vigneron - se faisaient payer par le vigneron auquel ils louaient les dites terres en bouteilles de vin et cela jusqu'au début des années 2000. Notre famille ne roulait pas particulièrement sur l'or et ce paiement en nature nous permettait surtout d'avoir la certitude d'être bien accueillis là où nous étions invités puisqu'on fournissait le vin gratis (ben oui fallait bien qu'on écoule comme on pouvait nos cent bouteilles annuelles). Je ne me souviens pas de l'avoir vécu à l'époque comme un privilège hérité de droits féodaux archaïques, mais peut-être me trompais-je et je tiens à présenter mes excuses à ceux que cela aurait pu choquer... -
Luc PERRIN
Souvenir de mes cours d'Histoire: un contrat de fermage n'implique-t-il pas forcément un versement en espèces ? alors que les versements en nature concernent le métayage ? -
André Massol
Les Pinçon Charlot portent bien leur nom, ce sont des charlots -
Bellatrix
Une question qui a peu de rapport avec celle des fake news: est-ce qu'on peut conclure que jusqu'à 1994, le propriétaire partageait avec le fermier les risques et les bénéfices de la variation des cours des denrées agricoles ? Est-ce que la modernisation a modifié l'équilibre entre les deux parties ? -
RRJL
Ah et pour aller au fond du sujet :
http://www.paysansinfo.fr/sites/d60/actu/juridique/cours_des_denrees.aspx
ça date de 2010 mais bon :
Viande de bœuf première qualité poids vif : 2,30 €/kg
Blé fermage : 23,73 €/q
On a donc 2,30 x 218 et 23.73 x 21 soit 1000 euros de loyer ... par an.
Disons 84€ de loyer par mois.
Débunkage done, je peux aller travailler au Monde ! -
Gaïa
J'avais bien compris que c'était une somme en argent correspondant à tant de kilos de viande et X quintaux de blé.
Ce n'est pas une fausse information mais une fausse interprétation. -
Malagate
Excellente réaction très saine de votre part, merci !
Maintenant, ça n'aurait pas été si invraisemblable.
Je veux dire que ça peut correspondre à des payements étalés tout le long de l'année (je ne vais pas essayer de faire entrer tout un bœuf dans le congélo en poussant sur ses fesses, mais livrer 40fois X kg, etc...)
Mais c'est bien d'avoir rétabli l'entière vérité en expliquant le processus de confusionnage ! -
mérens
Puisque le contrat (bail) stipule en matière première - une valeur "dur" qui ne varie pas (par rapport à l'or ou à la monnaie) - nous pouvons apprécier la valeur juste. Pendant une disette, la valeur "dur" de la viande, lait et blé est supérieure.
Je ne trouve pas de problème ni avec le canard, ni sa reprise. C'est l'attitude PC qui dérange.
Si quelqu'un est corrompu, criminel, terroriste économique, citer avec exactitude les termes de ses dépravations n'est nullement répréhensible.
Souvenons nous comment les ceaucescus ont fini après les révélations de leurs turpitudes. -
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