Remboursez !

Daniel Schneidermann - - La vie du site - 0 commentaires

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Eh bien, ça n'a pas tardé.

A peine vous étiez-vous abonnés à @rrêt sur images, qu'ont surgi de votre foule ardente et enthousiaste les premiers cris "remboursez!"

Vous pouvez aller les lire. Ils sont dans la centaine de commentaires qui s'empilent sous le billet d'Elisabeth Lévy sur Jacques Martin.

Douchée et bien douchée, Elisabeth, qui a osé s'en prendre à l'icône populaire Jacques Martin.

"J'étais prêt à m'abonner. Mais si c'est ça, votre site, vous pouvez toujours attendre! " crie l'un d'entre vous.

Comme vous l'imaginez, ce sont des menaces qui ne peuvent laisser insensible un chef de (toute jeune et ô combien fragile) entreprise.

Pour la première fois de ma vie, peut-être, en lisant ça, je me suis senti dans la peau d'un patron. Avec une angoisse de patron: "et s'ils allaient vraiment se désabonner! Et si un pétage de plombs d'Elizabeth, ou de quelqu'un d'autre, ou de moi-même, allait les faire fuir".

Et pour la première fois, j'ai touché du doigt une des raisons pour lesquelles les journaux, les vrais, les grands, sont souvent si insipides, et répètent tous la même chose.

Parce qu'ils tremblent de fâcher leurs lecteurs.

Ils tremblent de fâcher leurs annonceurs, bien entendu. Et aussi leurs actionnaires. Et aussi le pouvoir. Tout ça est connu, et vrai.

Mais il y a une angoisse trop méconnue du patron de presse: la peur de faire fuir ses lecteurs. Alors on ne dit rien qui puisse les froisser. On rabote les adjectifs trop raides. On biffe. On atténue. On privilégie les infos de gauche quand on est un journal de gauche. Et les infos de droite quand on est un journal de droite. On va dans le sens de ses lecteurs. Ou dans le sens supposé de ses lecteurs. Et surtout, on se garde bien d'attaquer tout ce qui est "populaire". Si c'est "populaire", c'est intouchable.

Et immédiatement après, je me suis dit autre chose. On n'a pas fait tout ça, construire les instruments d'une indépendance totale à l'égard des grands medias et des annonceurs, faire appel à vous, et à vous seuls, on n'a pas fait tout ça...pour avoir peur de vous! Ca n'aurait pas de sens.

Alors, je ne sais pas vraiment comment va se construire la relation d'irrigation mutuelle entre nous. Elle va se construire tous les jours. Votre abonnement, bien entendu, vous donne des droits. Le droit d'exiger de nous, quand nous serons sur le site définitif d'@rrêt sur images, une information de qualité, sûre, recoupée, aussi rapide que possible.

Et évidemment, non seulement le droit de dire votre mot, et d'être entendus (et je vous ai entendus), mais le droit à ce que votre voix ait la même force que la nôtre. Ceux d'entre vous qui aimaient Jacques Martin, les émissions de Jacques Martin, l'humour de Jacques Martin, ont bien entendu le droit de l'exprimer ici. Ils ont le droit d'engueuler Elisabeth, tant qu'ils veulent. Nous respectons la sincérité de leurs sentiments. Et nous allons construire un système dans lequel leur voix aura la même portée que la nôtre.

Mais je vous le dis franchement: vous n'avez pas le droit de nous demander de nous autocensurer.

Le pacte, entre nous, n'est pas encore écrit. Mais j'aurais envie d'en écrire ainsi le premier article: chers abonnés, nous respectons votre sincérité, respectez la nôtre.

Reste ce que tu es, Elisabeth.

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