Pour un front commun des médias contre l’extrême droite

La rédaction - - La vie du site - 58 commentaires

"Arrêt sur images" est signataire d'un texte soutenu par 90 médias, associations de journalistes et sociétés de journalistes. Nous détaillons, à la suite de ce texte, les réflexions qui nous ont poussé·es à le signer.


Le texte de l'appel

"Jamais depuis la Libération, l'extrême droite, en France, ne s'est trouvée si près de la victoire. Elle porte un projet de démolition sociale, de repli chauvin, de discrimination raciste, sexiste, homophobe, de guerre aux minorités, de basculement liberticide et de régression écologique.

Dans sa stratégie de conquête du pouvoir, elle a fait des médias un terrain privilégié, avec la prise de contrôle de titres, de chaînes de télévision, de radios par des milliardaires au service de son projet. Par ce maillage, elle impose dans le débat public ses fausses nouvelles et ses obsessions contraires aux droits fondamentaux. Le Rassemblement national annonce déjà la couleur pour l'audiovisuel public, voué, s'il l'emportait, à la privatisation. La liberté de la presse est dans sa ligne de mire. Partout en Europe, dans le monde, où l'extrême droite gouverne, celle-ci est violemment attaquée : interdiction de publication, destruction du secret des sources, multiplication des procédures baillons, censure, pressions et intimidations, assèchement des aides publiques à la presse. 

En France, le terrain en a malheureusement été méthodiquement préparé par l'exécutif sous la présidence d'Emmanuel Macron, qui n'a eu de cesse de restreindre les protections et les droits des journalistes, par les atteintes au secret des sources et la primauté du secret des affaires, la loi sur la sécurité globale, la fusion programmée de l'audiovisuel public, et le laisser-faire en matière de concentration capitalistique des médias aux mains de grands industriels, au détriment du pluralisme et de l'indépendance.Le combat contre l'extrême droite et son projet est au cœur de nos engagements éditoriaux. Dans notre diversité, nous entendons prendre toute notre part à l'indispensable rassemblement politique, social, populaire, au service de la justice sociale et écologique, de l'émancipation humaine et de l'extension des droits et libertés pour lui barrer la route du pouvoir. L'enjeu est de préserver la possibilité même d'une presse indépendante du pouvoir politique, pluraliste, avec des journalistes exerçant leur métier en toute liberté. 

Sans presse libre, pas de démocratie. C'est pourquoi nous appelons, par nos initiatives éditoriales, et sans jamais renoncer à notre regard critique, à soutenir la mobilisation sociale et citoyenne en cours, qui fait écho à la dynamique antifasciste de Front populaire de 1936 dans sa capacité à déborder les cadres partisans. Nous considérons qu'elle seule est à même d'empêcher le RN d'accéder au pouvoir le 7 juillet. La lutte contre l'extrême droite nous requiert tous et toutes, et nous, en premier lieu, comme acteurs de la société civile."

Pourquoi "ASI" est signataire

Fait plutôt rare dans l'histoire de notre jeune démocratie d'entreprise, il a fallu voter deux fois pour aboutir à une décision commune et signer ce texte. Dans un premier temps, la rédaction avait voté contre. Pour plusieurs raisons. La première : plusieurs membres de la rédaction craignaient, en raison du dernier paragraphe, qu'Arrêt sur images puisse être ensuite affilié à un mouvement. Ici, en l'occurence, le Nouveau Front Populaire. Ce que nous refusons profondément et unanimement. La seconde : une signature nous semblait complexe faute d'unanimité. Une troisième problématique a été soulevée. Arrêt sur images est parfois perçu, dans l'espace public, comme un média trop associé à la gauche. Certaines sources en font un argument pour décliner nos interviews ou refuser de participer à nos émissions. Ce qui nuit paradoxalement au pluralisme au sein de nos contenus - pluralisme qui nous semble essentiel. Sur la base de ce constat, une partie de l'équipe a estimé qu'il fallait éviter toute prise de position officielle susceptible de pénaliser encore plus notre travail.

Après des échanges approfondis avec Carine Fouteau, présidente et directrice de Mediapart, l'avis de plusieurs journalistes de la rédaction a changé. D'abord parce que le texte ne comporte pas d'appel à soutenir le Nouveau Front Populaire, mais évoque seulement le mouvement social protéiforme qui coexiste et doit continuer à vivre, quel que soit le résultat des législatives à venir. Mouvement social auquel nous pensons que les médias doivent participer et auquel ASI participe déjà par son travail quotidien depuis 16 ans sur ce site. Mouvement social qui, par ailleurs, doit continuer à être analysé, "sans jamais renoncer à notre regard critique", comme le précise le texte.

Malgré tout, plusieurs membres de la rédaction estiment encore qu'il était préférable de ne pas signer, en l'état, ce texte. Au motif notamment que la meilleure arme des journalistes, même en ces temps mouvementés, reste, plutôt qu'une tribune, justement... le journalisme. Et que ce texte aurait gagné à signifier plus clairement encore qu'il ne s'agit pas d'un appel, même voilé, à voter pour le Nouveau Front Populaire. Le "Oui" l'a finalement emporté, et nous sommes fier·es aujourd'hui de signer collectivement ce texte tout en détaillant les doutes et réflexions qui ont traversé à cette occasion la rédaction. 

L'enjeu de compréhension de ce texte par le plus grand nombre est désormais essentiel. Comment sera-t-il reçu ? Nous verrons bien. Mais il a semblé à la majorité chez ASI que la gravité du moment dépassait le risque d'être mal compris. C'est pourquoi nous signons finalement ce texte. En toute transparence, comme d'habitude ! 

Signataires du texte

Acrimed, Afrique XXI, À l'intersection, Alternative Libertaire, Alternatives Economiques, AOC, Arrêt sur images, Au poste, Basta!, Blast, Bondy Blog, Boukan, Cause commune, Citizen Jazz, Climax, Contretemps, Court Circuit, CQFD, Disclose, En attendant Nadeau, Fonds pour une presse libre, Frictions, Ghettup, Grand-Format, Guyaweb, Histoirecoloniale.net, iHHTM Magazine, Inf'OGM, IPNS - journal du plateau de Millevaches -, Là-bas si j'y suis, L'âge de faire, L'Alterpresse68, L'Empaillé, L'Oeil d'Olivier, La Clé des Ondes, La Deferlante, L'Humanité, La Lettre de l'Audiovisuel, La Marseillaise, La Messagère Libérée, La Revue Dessinée, La revue Pays, La Scène, Le Ch'ni, Le Courrier des Balkans, Le Crestois, Le Media TV, Le Mouais, Le Peuple Breton, Le Poulpe, Les Autres Possibles, Les Jours, Les Lettres françaises, Lokko, Mediapart, MedFeminiswiya, Médianes, Natura Sciences, Orient XXI, Paris Lights Up, Paris Tonkar International, Podcastine, PolitisQG Media, Radio ParleurRapports de force, Reflets.infoRegards, Rembobine, Reporterre, Revue Ballast, Revue Europe, SDJ EpsiloonSDJ de France 3 - Rédaction nationale, SDJ KonbiniSIné Mensuel, Spectre podcastsSplann !, Street Press, Témoins - le magazine du SNJ-CGT -, Théâtre/public, Théâtre(s), Transrural, Ubu, Scènes d'Europe, Voxeurop, YoupressZéphyr, 15-38 Méditerranée.



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