Dopés à la sarkozyte

Daniel Schneidermann - - La vie du site - 69 commentaires

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Tous dopés à la sarkozyte ?

Ce n'est pas moi qui le dis, c'est l'OJD, le très sérieux Office de Justification de la Diffusion, qui comptabilise les ventes des journaux et des hebdos en France. Et il le dit au Monde : plus précisement, en 2007, "l'effet Sarkozy" a fait vendre 110 millions d'exemplaires de magazines supplémentaires, par rapport à 2006, explique l'OJD.

On peut évidemment discuter le chiffre, et ses modalités de calcul. Mais on ne peut pas discuter le phénomène. En 2007, Sarkozy a fait vendre. Et il continue de faire vendre.

Et il fait vendre à toutes les sauces : sa femme, ses ministres, sa folie, sa violence, sa chute : tout ça fait vendre. Inutile de chercher plus loin les causes de la sarkomanie des médias. La première, c'est celle-là.

Inutile aussi de nous cacher derrière notre petit doigt : ici aussi, parmi les quelque 38 000 abonnés que vous êtes, Sarkozy attire. Vous savez quelles sont nos trois pages les plus visitées depuis le 7 janvier, date d'ouverture du site ? (Je place à part la page d'accueil, bien entendu, et la page abonnements). En premier, on trouve notre dossier Beauvoir nue dans l'Obs. Et juste derrière, deux dossiers avec Sarkozy dans le titre : un divorce et ses suites, et premiers dérapages. Loin, très loin derrière, par exemple, se trainent le dossier sur la suppression de la pub à la télé publique, ou celui sur les franchises médicales (source, Google analytics).

De toutes manières, vous pouvez vous en rendre compte tous seuls. Placez-vous sur la page de Tous nos dossiers, classés par nombre de lectures. Le résultat est éloquent, (quoiqu'un peu différent de celui que donne Google Analytics, certainement en raison de modalités de calcul différentes).

Dans cette sarkomanie, on l'a souvent dit, il y a des raisons troubles. Attraction compulsive, voyeurisme, etc. Je pense aussi que se trouve un vrai souci de comprendre. A mesure que va se dissiper le sortilège collectif de 2007, tous ceux qui y ont succombé, ou en ont été les simples témoins, ne vont pas manquer de s'interroger sur ce qui leur est arrivé. Et ce souci ne va pas diminuer, si j'en crois vos premières réactions, d'intérêt et de stupeur, à notre plateau de cette semaine, avec Antoine Guiral, de Libération. Quant au score de consultations de ce plateau, il est aussi éloquent : en seulement deux jours, il a déjà dépassé les deux précédents (sur la Résistance, et la flambée des prix). Eh oui, vous avez bien lu : vous êtes plus curieux de savoir comment on vous a informés sur la personnalité de Sarkozy, que de comprendre comment sont calculés les prix du yaourt que vous donnent vos médias.

Notre rôle, bien entendu, est d'accompagner cette réflexion, et nous continuerons à débriefer ceux des reporters en Sarkozie qui voudront bien se prêter à l'exercice. Mais il faut veiller à éviter la surdose. De temps en temps, il faut aussi se dés-éblouir en regardant ailleurs. En regardant dans les trous d'ombre, par exemple, là où les projecteurs n'éclairent pas. La suite cahotique du chantier de la suppression de la pub, par exemple, dont les projecteurs se sont détournés. Ou même la flambée des prix alimentaires, dont ils se détournent déjà (et vous avec, versatiles que vous êtes). C'est notre feuille de route.

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