Mélenchon, Hamon, et EELV : le "vrai" 1er mai de Lille
Daniel Schneidermann - - Initiales DS - 317 commentaires
"Arrête Esther avec tes conneries"
: la peu courtoise apostrophe de Jean-Luc Mélenchon à la sénatrice EELV Esther Benbassa au cours du défilé du 1er mai à Lille, citée dans une dépêche AFP, a fait le tour des médias (et a notamment été publiée par Libération
). De même que l'apostrophe mélenchonienne à la candidate commune de la gauche aux régionales, Karima Delli "Vous êtes des faux culs, et voilà tout"
. De quoi justifier un récit du 1er Mai lillois sur le mode "Mélenchon fait bande à part".
Mais ô surprise, sur Twitter, voici qu'apparaît une photo de Mélenchon et Benbassa démentant cette impression d'hostilité. "C'est pas beau de mentir,
Libé"
tweete Istaruss, qui poste la photo et se présente comme "monteur des best of Mélenchon et des Insoumis"
. Qu'en est-il ?
D'abord, la phrase à Benbassa est tronquée dans la dépêche AFP. En version longue citée dans Le Monde
, ça donne : "Qu’est-ce que je suis content de vous voir !, lance avec ironie Jean-Luc Mélenchon à Karima Delli et Esther Benbassa. On vous soutient aux régionales et vous nous envoyez balader aux départementales. Vous êtes des faux jetons, les autres n’oseront pas vous le dire, moi, je vous le dis ! Esther, je t'aime bien toi, t’es une courageuse, mais tous ceux-là, c’est tous les mêmes. Ils te disent une chose, ils en font une autre. C’est bon ? Vous avez fait la photo ? Au revoir, et merci." Le ton est amical. (La version son est ici).
"C'était très amical
, confirme aujourd'hui Esther Benbassa, venue le 1er mai à Lille pour soutenir Karima Delli. Même si je ne savais plus où me mettre par rapport à Karima Delli."
Car Benbassa et Delli, qui défilaient aux côtés de Eric Piolle, Martine Aubry et Benoit Hamon, se sont rendues dans le carré des manifestants LFI, pour saluer Mélenchon. Lequel, s'il a fait bon accueil à Benbassa, n'a pas réservé le même à Delli. En cause : l'absence d'union à gauche dans cinq cantons du Nord (sur les neuf où une candidature commune était prévue) aux prochaines élections départementales. "Karima Delli voulait absolument sa photo unitaire, mais Jean-Luc était grognon, parce qu'EELV a envoyé promener la France Insoumise dans plusieurs cantons"
, me résume Benoît Hamon, arrivé pour sa part à Lille dans l'ignorance totale du drame cantonal.
Mais avant même l'excursion de Delli et Benbassa en terre insoumise, une autre écologiste avait fait le voyage : Sandrine Rousseau, candidate EELV à la présidentielle de l'an prochain. Et elle y a été plus chaleureusement accueillie, Mélenchon l'invitant même à partager quelques minutes de défilé avec les Insoumis.
l'autre photo
Si Karima Delli n'a pas obtenu la photo souhaitée, il existe une autre photo de cette journée qu'aucun média n'a publiée, mise en ligne sur Twitter par Adrien Quatennens.
Où donc a été prise cette photo ? Dans l'arrière-salle de la permanence de Quatennens, où la même Sandrine Rousseau avait convié Hamon et Mélenchon à venir discuter après le défilé. Une heure de réunion, non annoncée aux médias, "où toutes les questions ont été abordées, bien davantage qu'à la grande réunion du 17 avril, qui m'avait frustrée"
me dit Rousseau. Plusieurs sujets ont recueilli sans surprise un consensus total, notamment sur le danger "historique"
de la lettre ouverte des généraux . "Entre nous trois, on voit bien qu'il existe une surface commune
, renchérit Mélenchon. C'est un petit signal. Il est lancé, mais on n'en fera pas plus."
Et sur l'Europe ? Entre Mélenchon et Hamon, les choses ont-elles progressé depuis 2017 ? Hamon : "Quand tout le monde s'affranchit aujourd'hui de la règle des 3% de déficit, j'ai expliqué à Jean-Luc qu'il avait engrangé une victoire"
et qu'un point de fixation sur la révision des traités était passé de mode. Rousseau : "Sur les traités européens, tout le monde est d'accord pour les changer, mais pas sur le calendrier. La divergence me semble surmontable"
. Dit autrement, la nouveauté Biden pourrait bouleverser les règles du débat. Hamon : "On pourrait imaginer un accord à gauche disant qu'on fait la même chose que Biden sur la fiscalité, même malgré les règles de l'Europe"
.
Bref, "les médias sont
durs avec Mélenchon
, renchérit Sandrine Rousseau, qui rappelle que Martine Aubry, bouderie pour bouderie, a aussi refusé de se joindre à la petite délégation d'écologistes kamikazes partie saluer Mélenchon -lequel l'avait sondée sans succès avant le défilé sur le principe d'une rencontre. Ah, à propos, dans la permanence de Quatennens, a-t-on parlé candidature pour 2022 ? Oui. Scoop ASI
: Mélenchon, Rousseau et Hamon seraient d'accord pour faire candidature commune. Et Jadot ? Et le PS ? Et le PCF ? Et tous les autres ? "On y va
step by step"
répond prudemment Rousseau.