Zooms sur les congères, la faute à Voltaire ?
Daniel Schneidermann - - 0 commentairesDonc, ce n'était pas une fatalité.
Les interminables ouvertures des jités sur le froid et la neige, les envoyés spéciaux emmitouflés sous les flocons, l'actualité entière colonisée par la météo et ses déclinaisons, tout ceci ne tient ni de la fatalité, ni du simple délayage sur la banalité. C'est une spécialité française (qui a d'ailleurs inspiré d'immortelles oeuvres musicales). Il en va tout différemment à l'étranger, y compris chez nos voisins les plus proches.
C'est un historien du climat, Emmanuel Garnier, qui le révèle dans une interview au Figaro. Après avoir pointé "l'intolérance" française à la météorologie non standard, qui tranche sur les placidités britannique ou espagnole, il en donne l'explication, puisée dans les profondeurs de la civilisation française, (celle qui dépasse toutes les autres, comme chacun sait depuis ce week-end): "il y a clairement l'idée en France que l'on ne doit pas être affecté par la nature. Nous restons les héritiers de l'idée de progrès qui ne devrait plus permettre que l'on souffre du froid ou du chaud. Cela traduit en même temps une grande vulnérabilité et une grande attente envers l'Etat". Autrement dit: si le jité zoome sur les congères, c'est la faute à Voltaire.
Si l'on comprend bien, l'intolérance aux "météos non standard" (et sa conséquence naturelle, l'appel à l'Etat pour rétablir le plus rapidement possible l'ordre des choses), serait donc plutôt une attitude de gauche, tandis que la mentalité de droite pousserait naturellement au fatalisme et à la résignation. Pour conforter cette analyse, on pourra revoir avec profit notre émission sur les répercussions directes du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux (RGPP) sur les conséquences des intempéries. Pour la contrebalancer, on notera l'attention extrême que porte Le Figaro, justement, à la vague de froid (sans oublier bien entendu, dans les explications, que Le Figaroexploite aussi une base de données sur la météo). A l'arrivée, chacun pourra méditer sur les avantages et les splendeurs de cette conversation météorologique nationale qui, comme toutes les grandes oeuvres, se prête avec bienveillance à de multiples interprétations.