Zoo Project : son souvenir forme la peau des murs

Alain Korkos - - 0 commentaires

C'est

LeParisien.fr qui nous l'apprenait samedi : le corps de Zoo Project, artiste de rue français, a été découvert à la morgue de Detroit (USA) où il gisait inconnu depuis le 29 juillet dernier avec une balle dans la tête.

Zoo Project (Bilal Berreni dans le civil) peignait sur les murs de Paris des choses telles que celles-ci :


En 2011 il se rendit en Tunisie où, digne successeur d'Ernest Pignon-Ernest (dont il fut question par ici), il peignit les portraits en pied des "Martyrs de la révolution" :


« À mes yeux, ces figures ne sont pas des images mortes, des fantômes célébrés post-mortem. Ils n’appartiennent pas à un passé fantasmé, regretté. Ce sont des figures du présent, des compagnons de lutte. Si je les peins, si je me permets de les représenter, de les exposer dans des manifestations, c’est parce que je suis convaincu que leur disparition des mémoires marquerait la fin de l’espoir. De même que les Tunisiens se battent pour que leurs meurtriers – les snipers, les donneurs d’ordre, les matraqueurs – soient jugés et sanctionnés rapidement (revendication restée lettre morte pour l’instant), je cherche, à ma mesure, à rappeler la portée de la disparition de ces gens ordinaires. Ils font partie de l’avenir, de cette Tunisie qui se dessine, s’esquisse sous nos yeux. C’est cette esquisse que je tente de représenter », écrivait Bilal Berreni sur son site.

Plus tard, dans le camp de réfugiés de Choucha à la frontière libyenne, il peignit les "visages de la révolution" sur des oriflammes :


«Circulant de tente en tente, j'ai passé un mois à dessiner, à réaliser des portraits des habitants du lieu, ceux que l'on appelle des "réfugiés". Eux s'en réjouissaient, m'encourageaient. Au début, j'ai eu du mal à comprendre cet engouement pour ma démarche. Des centaines de demandes de portraits affluaient chaque jour, je m'en suis étonné. Puis j'ai compris. Beaucoup me l'ont confié : se faire dessiner permet de retrouver une certaine dignité. »

Que faisait Bilal Berreni à Detroit ? Par qui a-t-il été assassiné dans ce HLM en ruines ? Nul ne sait. « Il était, a déclaré son père au Detroit Free Press, intéressé par ce qui peut naître du chaos. Cela représentait l'échec du capitalisme et il croyait que de ce chaos quelque chose pouvait naître. »


Bilal Berreni, alias Zoo Project, n'avait que vingt-trois ans. C'était un grand, un très grand bonhomme. Aujourd'hui son souvenir forme la peau des murs, flotte dans le vent.

Le site de Zoo Project.

 

L'occasion de lire ma chronique intitulée Le trafiquant d'armes et la peau des mursoù il est question d'Arthur Rimbaud et d'Ernest Pignon-Ernest.



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