Wikileaks : Tempête sur les cancaneries

Daniel Schneidermann - - 0 commentaires

Tout ça pour ça ? Depuis quelques jours, la rumeur promettait l'apocalypse dans les ambassades.

"Tempête sur les capitales mondiales" titrait le site du Monde. Il fallait, pour un ministre italien, s'attendre à un "11 Septembre de la diplomatie". Or, qu'apprend-on dans les premiers articles sur les 250 000 dépêches diplomatiques mises en ligne par Wikileaks ? Que les diplomates, les conseillers diplomatiques, ou les chefs d'Etat, comme vous et moi (surtout moi) cancanent et médisent quand ils se rencontrent. Vous savez ce qu'il vient de me balancer, Msieu Lévitte ? Que Chavez est fou. Mais si, fou. Et Merkel, quelle frileuse ! Et ce Kadhafi, qui ne peut pas se déplacer sans une infirmière à la forte poitrine, eh bien vous savez quoi ? Il a la phobie des bâtiments à étages. Sinon, ces Iraniens, bien d'accord avec vous, des vrais fascistes. Faudrait quand même les surveiller de près. Et cette pauvre Russie ! C'est bien vrai, qu'il n'y a plus de démocratie. Z'avez qu'à voir le Poutine. Inquiétant, le Poutine.

Tempête ? Pour qu'une tempête se lève, il faudrait que Hugo, Mouammar ou Angela surpris et meurtris par ces méchancetés, rappellent leurs ambassadeurs à Washington, et rompent les relations diplomatiques. Ah ! Quelle blessure ! Nous qui croyons être aimés et appréciés pour nos grandes qualités humaines, qui n'avions pas le moindre doute sur la chaleur de la poignée de mains de l'ambassadeur américain. Si on avait pu imaginer ! On boude. On va se regrouper entre potentats sympas, qui ne débinent pas les copains par derrière.

Si la portée diplomatique de cette divulgation de la page Facebook des Grands de ce monde semble devoir être limitée, l'événement est néanmoins considérable sur le plan de la circulation de l'information, et de l'inévitable redéfinition des règles de la diplomatie qu'il va imposer. Sans parler de notre représentation du monde. Que ce soit le Département d'Etat, c'est à dire la première puissance mondiale, celle dont on redoute depuis des décennies les grandes oreilles, qui soit elle-même victime d'écoutes, comme un petit dealer, ou une vulgaire Liliane Bettencourt, pose des questions qui dépassent les capacités embrumées du matinaute. Une diplomatie peut-elle fonctionner sans secret ? Bien sûr que non. Les journaux partenaires ont-ils raison de publier ? Bien sûr que oui. Aux appareils d'Etat, de protéger plus efficacement leurs secrets contre les intrusions. Comment ? Aucune idée. Mais ils trouveront bien des solutions.


Lire sur arretsurimages.net.