Wikileaks-MSF , même combat ? (Ruffin)

Laure Daussy - - 0 commentaires

Médecins sans frontières, Wikileaks : Jean-Christophe Rufin, écrivain, diplomate, médecin et l'un des "pionniers" de MSF, opère un rapprochement entre les deux organisations, dans une tribune publiée dans le Monde. Sans toutefois "adhérer" complètement à la démarche du site de Julian Assange.

"Le rapprochement des deux mouvements peut choquer", reconnaît-il d'emblée. Le premier est une association respectable et reconnue, (...) L'autre est un site Internet quasi clandestin, considéré, à la suite de ses dernières révélations, comme irresponsable".

Mais, pour Rufin, "l'une et l'autre ont pour ennemi la guerre et ses victimes car Wikileaks (...) est avant tout un site militant dont l'objectif est de mettre fin aux engagements militaires américains. L'une et l'autre enfin ont été créées sur l'idée que la justice est un impératif supérieur au droit, si bien qu'une juste cause rendrait licite l'usage de tout moyen d'action, fût-il illégal."

Rufin analyse l'évolution du militantisme,et présente Wikileaks comme faisant partie d'une "troisième vague" du mouvement citoyen, après le première, dominée par l""humanitaire", et la seconde, celle de l'"altermondialisme".


La troisième vague se caractérise à ses yeux par "l'écologie radicale et le militantisme virtuel". Elle est marquée par "l'influence croissante des réseaux virtuels".

Des méthodes nouvelles, mais des motivations qui "placent ces nouvelles formes d'action dans la continuité de l'histoire de la révolte citoyenne commencée quarante ans plus tôt", assure-t-il. "Les ambitions de Julian Assange telles qu'on peut les comprendre sont de type altruiste (sans préjuger de la part trouble de manipulation qu'elles peuvent dissimuler)", estime Rufin. "Qui a vécu, à trente ans de distance, la naissance de la première génération des mouvements citoyens sous la forme de l'action humanitaire reconnaîtra aisément dans cette rhétorique le même idéalisme qui sous-tendait la création des organisations «sans frontières»".

"Reconnaître la continuité de la démarche ne signifie pas y adhérer", tempère toutefois l'auteur. " Quand la révolte citoyenne s'applique à un Etat totalitaire, sa légitimité est difficilement contestable, (...). Il en va tout autrement dans les Etats démocratiques. La question de l'équilibre entre pouvoir d'Etat et contre-pouvoir citoyen est alors posée dans toute son acuité."

Et de mettre en garde contre ce "cinquième pouvoir dans les démocraties", celui des inititatives citoyennes, qui "est en train d'acquérir une puissance qui menace tous les autres. En poussant sa logique au plus loin, il est possible d'imaginer que l'activité de ce cinquième pouvoir peut, à terme, rendre les démocraties impossibles à réformer et peut-être même à gouverner, les secrets impossibles à protéger, l'autorité, même émanant de la loi et garantie par la justice, impossible à exercer."

Wikileaks rendrait donc ce débat "nécessaire": "Jusqu'où le citoyen est-il fondé à aller contre l'Etat dans un régime démocratique ? A partir de quel seuil passe-t-on de la mobilisation utile à la menace contre le contrat social ?"

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