Villepin-Sarkozy : pleins feux sur la dinguerie au sommet

Daniel Schneidermann - - 0 commentaires

Il y a manifestement, dans la relation personnelle Sarkozy-Villepin

, la même inquiétante dimension pathologique que dans la rivalité de naguère entre Juppé et Séguin. Chez ces hommes mûrs, aspirant à, ou exerçant, de hautes responsabilités, la simple évocation du rival est de nature à susciter des comportements irrationnels, qui vaudraient sans doute à bien des cadres, ou salariés, mises en garde professionnelles, sanctions, voire internements d'office. La différence, c'est que la presse dissimulait naguère pudiquement cette folie au sommet. Les répliques les plus assassines, les histoires de cendriers volant dans les bureaux, le récit des longues bouderies de Séguin, ces jours entiers où il ne prenait pas au téléphone le président Chirac, n'étaient révélées que dans des livres, le délai de décence passé.

La folie s'étale aujourd'hui à la Une des médias traditionnels, fière d'elle-même, comme exultant de voir son obscénité trôner au centre de la scène. Dans Le Monde, Raphaëlle Bacqué livre par exemple un tableau saisissant de la relation des deux malades, même si on pressent qu'elle est encore en-dessous de la réalité. Et par capillarité, cette folie contamine l'appareil d'Etat, et l'appareil judiciaire. Annonçant ce matin chez Elkabbach, d'une voix blanche à faire trembler les brosses à dents, sa décision de faire appel du jugement Clearstream qui relaxe Villepin, le procureur de Paris, Jean-Claude Marin, assurait n'avoir reçu aucune "instruction écrite" de MAM en ce sens (sans toutefois que la question d'éventuelles conversations informelles lui soit posée). Le pire, c'est que c'est sans doute vrai, tant il a donné l'impression dans cette affaire, lui aussi, de poursuivre Villepin d'une incompréhensible vindicte personnelle, savamment habillée pour la galerie d'oripeaux juridiques.

Cette semi-mise en lumière est-elle un progrès ? Oui et non. Il est forcément utile que les citoyens soient informés en temps réel de la santé mentale de ceux qui les gouvernent. Mais la fascination, naturelle, qu'exerce cette dimension psychologique, obscurcit tout le reste. Et par exemple, en l'occurence, la prise en otage, pour une querelle privée, d'une Justice exsangue, en sous-effectif chronique et, dans bien des Palais en France, au bord de l'asphyxie. Il est vrai que c'est beaucoup moins spectaculaire.

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