Vidéos attentats : du bon usage des smartphones des témoins (Guardian)
Justine Brabant - - 0 commentaires"Nous sommes tous des intermédiaires au travers desquels les terroristes peuvent transmettre et diffuser".
Dans une chronique publiée dans le Guardian, le chercheur du Royal United Services Institute Raffaello Pantucci estime que les téléphones portables dotés de caméras vidéo ont changé le mode de communication des auteurs d'actes terroristes. Ces derniers n'ont plus besoin de se filmer eux-mêmes, ni même d'attendre les caméras de télévision pour immortaliser leurs attaques : il leur suffit de les commettre dans des lieux publics, et d'attendre que des passants sortent leurs smartphones.
Pantucci en veut pour preuve l'attaque au couteau menée samedi 5 décembre dans le métro londonien. Là, un homme a blessé trois personnes (dont une gravement) avant d'être interpellé par la police. Selon des témoins, il aurait crié "C'est pour la Syrie". Quelques heures après l'attaque, de nombreux médias britanniques publiaient des photos prises avec des téléphones et des extraits d'une vidéo amateur montrant des traces de sang à terre, puis l'agresseur (de dos, sweat shirt gris, pantalon orange), parvenant à blesser légèrement une personne avant d'être mis à terre par les policiers à coups de taser.
Attention : ces images peuvent choquer.
Alors que jusqu'à peu, "il fallait aller vers des lieux ou personnes spécifiques pour trouver des documents extrémistes", ces images et vidéos amateur ont immédiatement donné une résonance mondiale à une attaque pourtant "low-tech" (rudimentaire, réalisée avec peu de moyens), relève le chercheur. "Nous sommes tous des présentateurs pour ces groupes, qui capturent et mettent en avant leur message à travers nos appareils d'enregistrement personnels, qui offrent des vues brutes des incidents en train de se produire".
L'exemple le plus spectaculaire de cette nouvelle donne ? L'assassinat en pleine rue d'un soldat britannique, Lee Rigby, en mai 2013, par deux hommes se décrivant comme "admirateurs d'Al- Qaida". Juste après avoir foncé sur Rigby en voiture puis l'avoir poignardé à plusieurs reprises, l'un des tueurs, Michael Adebolajo, avant demandé à un passant de le filmer. Les mains en sang et ses couteaux à la main, il déclare alors notamment : "La seule raison pour laquelle nous avons fait ça, c'est parce que des musulmans meurent chaque jour". On le voit ensuite repartir calmement, discuter avec son complice à quelques mètres du corps (flouté sur la video d'ITV ci-dessous), puis avec deux femmes qui expliqueront avoir tenté de lui parler pour qu'il ne fasse pas d'autres victimes avant l'arrivée de la police.
Attention : ces images peuvent choquer.
La présence de témoins susceptibles de filmer a donné à ces attaques une résonance que n'ont pas eu d'autres agressions (relativement) comparables, poursuit Pantucci : la tentative d'assassinat en 2010 du député Stephen Timms, dans l'enceinte de sa permanence, par une jeune femme se réclamant d'Al Qaida dans la péninsule arabique (Aqpa), ou encore le meurtre en 2013 à Birmingham de Mohammed Saleem, 83 ans, par un étudiant ukrainien d'extrême-droite.
Il existe toutefois un aspect positif à cette nouvelle forme de médiatisation : les agresseurs ne "contrôlent plus totalement leur message", relève enfin Pantucci. Un exemple ? Une seconde vidéo de l'agression de samedi soir dans le métro londonien a rapidement circulé. On y entend un témoin de la scène crier, manifestement à l'adresse du terroriste présumé, qui est en train d'être maîtrisé par les policiers : "Tu n'es pas musulman, mon gars ! Tu n'es pas musulman !" ("You ain't no muslim bruv' ! You ain't no muslim !"). Reprise dans le New York Times, sur CBS News, ou Mashable, la réaction de ce passant est en passe d'être plus médiatisée que l'agression elle-même.