Varoufakis, la sortie d'un appeau à trolls
Daniel Schneidermann - - 0 commentairesAux créanciers défaits, le premier geste de Tsipras vainqueur a donc été d'accorder la tête de Varoufakis.
C'est le ministre sortant qui l'annonce ce matin sur son blog, dans un texte élégant et sans bavure, reconnaissant que son départ était demandé "par certains membres de l'eurogroupe". Il n'est pas certain que le sacrifice suffise à amener les créanciers à concéder demain ce qu'ils refusaient hier : une claire reconnaissance, noir sur blanc, que la dette grecque ne sera jamais payée. Mais le contraire n'est pas certain non plus, tant la fierté, l'orgueil, l'ego, sont depuis six mois les passagers clandestins du feuilleton.
Varoufakis était ce qu'on appelle sur les forums Internet un appeau à trolls. Tout ce qu'on peut souhaiter, c'est que sa démission fonctionne comme un appeau inversé, entrainant à sa suite les excités des deux bords, et laissant se dérouler la négociation entre responsables de sang froid. Pour la première partie du programme, c'est bien parti, à en croire ce premier tweet d'Arnaud Leparmentier (directeur adjoint des rédactions du Monde, tout de même)...
...le même Leparmentier qui, dans un tweet de la semaine dernière (effacé depuis) faisait preuve d'une rare clairvoyance.
A croire que le feuilleton a rendu fous tous ceux qui l'approchent de trop près. Qu'une même jubilation de voir Varoufakis "viré" adoucisse Schaüble, c'est tout ce qu'on peut souhaiter.
Sur le fond, bien malin qui peut dire ce que produira le referendum. Seule certitude, la structure du vote confirme ce qu'on savait déjà : le seul aspect indiscutable de ce "non" massif, c'est qu'il s'agit d'un vote de classe...d'âge. Les jeunes Grecs ont voté non à l'austérité. Les vieux ont voté oui. Que les nonistes grecs perçoivent d'ailleurs leur vote comme pro ou anti-euro n'y change pas grand chose : l'euro -et sa carapace protectrice de compétitivité obligée- est avant tout un bouclier pour les riches rentiers. Ceux qui y perdent sont les jeunes, condamnés au chômage de masse et à la précarité. C'est (presque) aussi simple que ça.
Ce qui s'est joué hier en Grèce, et se rejouera peut-être demain ailleurs en Europe, c'est l'éternelle confrontation entre ceux qui n'ont rien à perdre (ou le croient), et ceux qui ont quelque chose à perdre (ou le croient). J'insiste bien sur le "ou le croient". "Sur le plan de la pauvreté, de la sécurité, il est naïf de penser qu'on n'a rien à perdre", disait sur RFI ce matin une jeune responsable d'une ONG grecque qui avait déjà beaucoup voyagé de par le monde, et était à même de faire des comparaisons. La croyance inverse est d'ailleurs tout aussi naïve.