UE : fin du secret bancaire (enfin !)
Anne-Sophie Jacques - - 0 commentairesComme quoi, il ne faut jamais désespérer : jeudi soir, les chefs d’Etat réunis à Bruxelles ont enfin annoncé la fin du secret bancaire dans l'Union européenne.
Et le chemin fut long ! L’échange automatique d’informations sur l'imposition des revenus de l'épargne des non-résidents était au cœur de la directive épargne rédigée en 2008 mais, jusqu’à présent, le Luxembourg et l’Autriche s’étaient refusé à la signer, préférant l’échange d’informations à la demande. Or cet accord devait recueillir l’unanimité des Etats membres pour être adopté. C'est aujourd'hui chose faite. Mais pourquoi avoir attendu huit ans ? Selon le site de l’Expansion, les deux pays récalcitrants exigeaient "l'égalité de traitement avec cinq pays voisins (Suisse, Liechtenstein, Monaco, Andorre et Saint-Marin) comme un préalable à leur propre accord". Et ce jusqu’au dernier moment : Le Monde, qui a rencontré la veille de l’accord le premier ministre luxembourgeois Xavier Bettel, annonçait que rien n’était joué. Pas question pour le Grand-Duché d’abandonner le secret bancaire et mettre à mal leurs fructueuses affaires si les autres n’y renoncent pas également. | Copie écran du site du Monde |
Pourtant, comme le raconte Mediapart, les rebelles étaient sous pression : d’une part "les discussions de l’Union européenne avec les cinq «Etats tiers» sont plutôt fructueuses" et, d’autre part, "les autres Etats membres avaient averti qu’ils ne tolèreraient pas que le processus soit bloqué au-delà du mois de mars". Il faut dire que le Luxembourg avait déjà fait capoter l’accord en avril et en décembre dernier. Un petit jeu qui ne pouvait donc plus durer.
Pratiquement, l’accord prévoit donc l’échange automatique des informations sur les intérêts des comptes épargne des non-résidents : en somme, le fisc français saura dorévanant, sans en faire la demande, combien le compte de monsieur Trucmuche placé en Autriche, ou dans tout autre pays membre de l'UE, lui a rapporté. Mais il y a mieux : ces informations concernent également les versements effectués par des trusts ou des fondations, le grand cheval de Troie de l’évasion fiscale puisque ces structures permettent de masquer leur bénéficiaire final. Ces échanges automatiques sont au cœur des combats des ONG CCFD-Terre solidaire – nous avions rencontré une de ses membres – mais aussi d’Oxfam France. Cette dernière, via un communiqué, crie victoire et assure que "désormais, les gouvernements européens auront un moyen de contrôle sur les 850 milliards qui s’évadent chaque année de l’Union européenne à cause de la fraude fiscale."
Mais on attend encore plus fort : d’après l’Expansion, "les Européens doivent désormais trouver un "accord politique unanime" sur un autre texte, la directive sur la coopération administrative. Ce texte, qui doit entrer en vigueur en 2015, prévoit l'échange automatique d'informations sur les revenus professionnels, pensions, jetons de présence, revenus de biens immobiliers et certains produits d'assurance-vie. Il devrait être adopté au second semestre". Mediapart reste tout de même prudent quant à l’échéance rappelant que "les choses sont loin d’être gagnées tant le pas à franchir est grand"… et l’unanimité pas simple à trouver. Ou alors si : en patientant huit ans.