Tweets Cahuzac : une muselière pour les députés ?

Daniel Schneidermann - - Nouveaux medias - 0 commentaires

Ah le joli duo ! L'ancien ministre Jean Glavany, et la journaliste Anne Sinclair se sont émus.

Emus de quoi ? Emus d'avoir lu les tweets sarcastiques de deux parlementaires, membres de la commission Cahuzac, au cours de l'audition de l'ancien ministre du Budget. "C'est l'audition je réponds si je veux et je vous emmerde", a par exemple tweeté le député EELV Sergio Coronado, à l'issue de la prestation Cahuzac, résumant le sentiment général, exprimé il est vrai avec davantage de réserve sur les meilleurs sites.

"Invraisemblable" s'est exclamée Sinclair. "Inadmissible", a renchéri Glavany. Ah, la vertu républicaine était tellement mieux protégée sous Mitterrand, que tous deux ont tant aimé, quand rien ne transpirait. Quand on gardait le secret sur l'existence de Mazarine, l'amitié de Bousquet, le cancer du président, les écoutes de l'Elysée. Quand tous ces petits secrets restaient confinés dans l'entre-soi, avec une seule soupape maudite, nommée Minute, et que l'on pouvait donc ignorer en toute bonne conscience.

Au nom de quoi interdire de s'exprimer à des parlementaires, outrés par l'arrogance et les mensonges de Cahuzac (tiens, lisez donc le script de la conversation du communicant Stéphane Fouks avec Fabrice Arfi, de Mediapart) en commission d'enquête ? Le devoir de réserve ? Passez-leur donc une muselière. Non. Ce qui semble émouvoir Sinclair et Glavany, c'est plutôt un certain fantasme du parlementaire-enquêteur serein et impartial, droit dans ses bottes dans les institutions républicaines. La revendication inexprimée d'une sorte de monopole officiel de la transparence et de l'exutoire, que détiendrait la commission Cahuzac (son président Courson juge lui-même "inacceptables"les tweets des députés). Il est vrai que cette commission, depuis le début, nous a offert une vue plongeante sur des cabinets ministériels déboussolés, ou un Elysée en panique, aussi réjouissante qu'affligeante. Mais au nom de quoi interdire à des parlementaires de chuchoter à l'oreille de leurs quelques milliers de followeurs ? Au nom de fantasmes, donc, parfaitement respectables comme tous les fantasmes, mais nullement inscrits dans la Constitution.

La rebellion Sinclair-Glavany est d'autant plus drôle, que Anne Sinclair dirige par ailleurs un site du groupe Le Monde, le Huffington Post, qui a reproduit les tweets en question, entre autres attrape-audience, démultipliant donc leur écho. Elle devrait donc d'urgence en débattre avec elle-même. On attend avec impatience le live-tweet du débat.

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