Turquie : offensive d'Erdogan contre la presse et l'opposition

Robin Andraca - - 0 commentaires

Coup de filet spectaculaire en Turquie, qui détient déjà le record mondial du nombre de journalistes emprisonnés : le directeur de la publication de Zaman, premier quotidien du pays, a été arrêté dimanche par la police, ainsi que 32 autres personnes. Dans le viseur de M. Erdogan, les partisans de l'imam Fetuhullah Gülen en conflit ouvert avec le président turc depuis des mois.

Vendredi, dans l'un de ses discours, le président Erdogan avait promis "d'aller traquer ce gang dans ses derniers repaires. Quels que soient ceux qui se tiennent à leurs côtés, derrière eux, nous détruirons ce réseau et le forcerons à rendre des comptes". Des milliers de policiers ont ainsi été mobilisés ce week-end et 32 personnes ont été arrêtées. Parmi elles, Ekrem Dumanli, rédacteur en chef de Zaman et Hidayet Karaca, directeur de la chaîne de télévision Samanyolu. Un quotidien et une chaîne de télévision, fleurons de l'empire médiatique des "gulénistes", principal parti de l'opposition turque. Des réalisateurs, des producteurs et des policiers jugés proches de l'imam Gülen ont aussi été arrêtés lors de ce coup de filet, qui a eu lieu dans près d'une dizaine de régions du pays. Tous se retrouvent aujourd'hui accusés "d'avoir formé un groupe pour tenter de s'emparer de la souveraineté de l’État".

Cette confrérie, présentée par Libé comme "longtemps toute puissante dans la justice et la police, fer de lance ces dix dernières années de la remise au pas de l'armée et des opposants laïcs trop virulents avec des procès en bonne part montés sur de fausses preuves" avait fini par inquiéter l'AKP, le parti islamo-conservateur au pouvoir depuis 2002. Comment ? En lançant en décembre 2013 des opérations judiciaires anticorruption visant des hauts responsables du parti, dont Bilal Erdogan, fils cadet du président. La guerre depuis est actée entre la confrérie islamiste et le président turc, qui les accuse d'avoir voulu préparer un coup d’État au travers de ces opérations.

Deux hauts responsables de l'Union européenne ont dénoncé dimanche l'opération de la police turque, "incompatible avec la liberté de la presse". Dans Libé toujours, Ahmet Sik, journaliste de gauche emprisonné pendant près de deux ans après avoir enquêté sur la confrérie, jette un regard plus sombre sur les "gulénistes" : "La Cemaat (ndlr - autre nom de la confrérie) était le leader, ces dernières années, d’une politique fasciste, mais elle en est aujourd’hui la victime et c’est toujours une vertu que de s’opposer au fascisme".

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