Tunisie : propriétaire chaîne TV privée arrêté

"Un mandat d'arrêt a été lancé contre le propriétaire de la chaîne Hannibal TV et son fils pour "haute trahison" et "complot contre la sécurité de l'Etat »" annonce l'agence officielle Tunis Afrique Presse (TAP), alors qu'un nouveau président a été nommé à la tête de la télévision publique. Les émissions de Hannibal TV ont été interrompues dans la journée de dimanche, avant de reprendre dans la soirée, avec les excuses du gouvernement.

"Le propriétaire de Hannibal TV, ayant des rapports de parenté par alliance avec l'épouse de l'ancien président, s'emploie via cette chaîne "à faire avorter la révolution des jeunes, à propager la zizanie, à inciter à la rébellion et à la diffusion de fausses informations de nature à créer un vide constitutionnel et à déstabiliser le pays en vue de l'entraîner dans une spirale de violence ayant pour objectif de rétablir la dictature de l'ancien président" ajoute l'agence TAP, citant une source non identifiée.

Larbi Nasra, propriétaire d’Hannibal TV fondée en 2004, a été arrêté en même temps qu'un de ses fils, Mohamed Hamdi, époux de la fille d’Adel Trabelsi, frère de Leila Trabelsi (femme de l'ex président Ben Ali). Plusieurs blogs et comptes Twitter tunisiens indiquent qu'Hannibal TV a cessé d'émettre.

TAP signale par ailleurs que "Béchir Hmidi a été nommé Président Directeur Général de l'établissement de la télévision tunisienne, annonce le porte-parole du gouvernement de l'union nationale."

Sur son blog, Henda Hendoud, jeune journaliste tunisienne estimait ce dimanche que "le contrôle du pouvoir revient en force" dans les médias de son pays, en mentionnant au passage Hannibal TV.

"Aujourd’hui, la liberté d’expression des médias, se résume dans deux points majeurs. Le premier, est la critique de l’ancien régime du Ben Ali qui ne dépasse pas la démonstration imprécise de ses crimes qu’on a découverts après son départ. Le deuxième point est les plateaux du talk show qui ouvrent, chaque soir, le débat sur divers sujets mais qui tombent toujours dans le même piège: la diffamation, le règlement des comptes et les querelles (comme le cas d’Hannibal TV)." "Ce bruit médiatique borné d’émotionnel et de sensationnel donne l’illusion d’une liberté d’expression qui n’existe toujours pas en Tunisie. En effet, critiquer et accuser un régime déchu est la chose la plus facile à faire. Mais derrière ce lynchage se cache un objectif commun. C’est de faire croire au peuple tunisien qu’aujourd’hui son seul ennemi est «Ben Ali»." "Cependant, les médias tunisiens restent silencieux sur les autres éventuels dangers qui menacent la Tunisie comme le parti du RCD, parti du régime dictateur de Ben Ali, qui continue à manipuler le gouvernement de transition." Blog d'Henda Hendoud dimanche 23 janvier

"Concernant les manifestations qui continuent, jusqu’à ce moment, dans toute la Tunisie, les médias tunisiens sont encore une fois, tous d’accord sur leur frivolité (comme ils étaient d’accord que les manifestations de notre libération étaient des actes de violence et de terrorisme). Loin de l’objectivité, les médias insistent à critiquer par tous les moyens les demandes des manifestants. Débats, interviews et même les news, sont tous là pour argumenter un seul point de vue: Nous n’avons pas un meilleur choix que le gouvernement provisoire majoritairement RCDiste". (Le RCD est le parti de Ben Ali).

Mise à jour dimanche 22 h

Hannibal TV avait cessé d'émettre dimanche après-midi, mais les émissions ont finalement repris peu avant 20h.

Les téléspectateurs d'Hannibal TV ont entendu Ahmed Néjib Chebbi, nouveau ministre du Développement régional et local, un avocat issu de l’opposition à Ben Ali, fondateur du parti démocrate progressiste (PDP), présenter les excuses du gouvernement : "« Il s’agit d’une erreur et nous nous en excusons. J’ai arrêté toutes mes activités pour venir réparer cette erreur d’arrêter les émissions. Cela dit, en tant que citoyen, je remets en question la neutralité de Hannibal TV qui ne m’a jamais convié à ses émissions. »