Tomboy / Civitas : "douceur subversive" (Despentes)

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Alors que des catholiques intégristes se sont mobilisés (en vain) pour faire interdire la diffusion du film "Tomboy", le 19 février dernier, sur Arte, Virginie Despentes, écrivaine et réalisatrice, réagit à la polémique

dans une interview au magazine "Trois couleurs", édité par les cinémas MK2.

Tom Boy toujours. Cette fois-ci, c'est la réalisatrice Virginie Despentes qui monte au créneau pour défendre le film et s'en prendre à ses contempteurs.

Ce film signé par la réalisatrice Céline Sciamma sorti en 2011, raconte l'histoire d'une petite fille de 10 ans qui se fait passer pour un garçon auprès de ses camarades de classe. (La bande annonce ici).

Depuis septembre 2012, le film est inscrit dans le dispositif "Ecole et cinéma", soutenu par le ministère de l'Education nationale et par le ministère de la Culture, qui initie les élèves au cinéma. Mais depuis la rentrée, il suscite la polémique : des associations catholiques ne veulent plus qu'il soit projeté en classe. L'observatoire de la théorie du genre (son créateur Olivier Vial était sur notre plateau dans la dernière émission) considère qu'il fait du "prosélytisme". Résultat : Civitas a donc (en vain) fait pression sur Arte pour que le film ne soit pas diffusé. La polémique a ulcéré Virginie Despentes.

"C’est la douceur du regard [de la réalisatrise de Tomboy, ndlr] qui impressionne, et qui pour Civitas est subversive, de façon insupportable. (...) ce que Civitas vient dire c’est: on ne peut pas regarder avec douceur ceux que nous devons regarder comme des monstres. Ce que Civitas tient à rappeler, c’est: dès la maternelle, repérons les pièces défectueuses et interdisons tout regard doux sur elles. Il y a d’un côté les obéissants et les soumis, tous ceux qui dépassent doivent tomber sous l’opprobre". Pour Despentes, c'est l'opposition de Civitas qui en fait un film "subversif". "Je n’imagine pas trop Céline Sciamma se frottant les mains en relisant son scénario et se réjouissant dans un éclat de rire sardonique: «Ah ah ah je vais convertir plein de gentilles petites filles en grosses gouinasses» – ou alors elle cache bien son jeu, parce que le film ne ressemble pas franchement à une œuvre de propagande", raille-t-telle.

"Le cinéma est une industrie, il est au service du pouvoir dominant, toujours", dénonce ensuite la réalisatrice et écrivaine. "Le pouvoir dominant n’a pas envie que les femmes évoluent trop rapidement – donc le cinéma continue de montrer essentiellement des femmes jeunes, belles, minces qui se préoccupent surtout des hommes et de leur bien-être et qui ne parlent pas trop… Le reste du temps, les femmes au cinéma prennent des douches et des bains, parce que c’est important de montrer leur corps nu, je suis stupéfaite quand je regarde les films de l’importance des scènes de salle de bains pour justifier l’exhibition du corps féminin…" Despentes cite quelques réalisatrices qui permettent une "subversion fine", qui parlent des femmes " sans les juger ni les sadiser, et donnent à des actrices un espace suffisant pour camper des personnages qu’on ne connaissait pas encore à l’écran", comme "les derniers films d’Isabelle Czajka, de Marion Vernoux ou d’Emmanuelle Bercot".

Parallèlement, Despentes revient sur l'interdiction de Nymphomaniac, le film de Lars Von Trier avec Charlotte Gainsbourg aux moins de 18 ans. La réalisatrice - dont le film Baise-moi avait été également interdit aux moins de 18 ans - estime que "ça ne l'étonne pas" : "La chaudasse, pour les religieux intégristes de tous poils, c’est le top de la femme dangereuse. Les séductrices, les putes, les salopes, etc… l’église est vent debout. Ce n’est pas «ça», une femme. Une femme ça n’aime le sexe que pour faire des bébés car une femme, c’est avant tout une maman, il ne faut pas qu’elle l’oublie."

Pour retrouver notre émission sur la polémique autour des livres jeunesse, c'est ici. Notre émission sur le débat autour du "genre" est là. Sans oublier l'émission "Dans le texte" avec Virginie Despentes.

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