Terrorisme : les attentats islamistes + médiatisés (The Independent)

Juliette Gramaglia - - 0 commentaires

Des chercheurs américains l'assurent : les attentats commis par des musulmans sont bien plus traités dans la presse américaine que ceux commis par des non-musulmans. Un déséquilibre qui contribue à assimiler terrorisme et islam - et qui attise les peurs des Américains, regrettent les chercheurs, auteurs d'une étude universitaire relayée notamment par le siteThe Independent.

Les attaques terroristes perpétrées par des musulmans, davantage couvertes par la presse outre-Atlantique ? C'est la conclusion d'une étude universitaire américaine, relayée notamment par le site The Independent. Cette étude, menée par trois chercheurs de la Georgia State University, s'est penchée sur les attaques terroristes perpétrées sur le sol américain entre 2011 et 2015. Et la conclusion est sans appel : "L'étude a conclu que les musulmans ont commis 12,4% des attaques durant la période étudiée, mais ont reçu 41,4% de la couverture médiatique [aux États-Unis, ndlr]", rapporte The Independent. Dit autrement : lorsqu'un attentat est commis par un musulman, la couverture médiatique dans la presse américaine augmente de 449%. Ce qui représente presque 4,5 fois plus de contenus que pour les autres attaques terroristes (et non pas 5 fois, comme relayé par The Independent).

Ainsi, les bombes qui ont explosé durant le marathon de Boston, en avril 2013, posées par deux musulmans et qui ont fait trois morts et plusieurs centaines de blessés, ont reçu "20% de l'ensemble de la couverture médiatique sur les attentats terroristes aux États-Unis dans la période de cinq ans [de 2011 à 2015, ndlr]", explique le pureplayer. A l'inverse, un massacre dans un temple Sikh en 2012, qui a fait six morts et a été commis par un homme blanc, ne représente que 3,8% de la totalité de la couverture médiatique. De même, une fusillade menée dans une église afro-américaine par un homme là aussi blanc, et qui a fait neuf morts, a reçu 7,42% de la couverture médiatique totale. Une chiffre significativement moins élevé que pour le marathon de Boston.

"Les médias en font des événements fréquents"

D'où vient cette étude ? On en retrouve la trace dès mars 2017. Les trois auteurs se sont penchés sur le sujet après les déclarations de Donald Trump en février dernier. Le président a en effet affirmé devant un parterre de militaires que les médias décidaient intentionnellement de ne pas parler de certaines attaques terroristes. Suite à ces déclarations, mais aussi à celles de la conseillère Kellyane Conway sur le massacre de Bowling Green que les médias n'auraient pas traité (et pour cause, puisqu'il n'a jamais existé), les chercheurs ont décidé de creuser la question.

Ils se sont basés sur les 89 attaques terroristes américaines recensées par une base de données sur le terrorisme (nommée GTD) gérée par l'université du Maryland et plusieurs fois citée par des médias, dont The Guardian. Ils ont étudié des titres de presse nationaux et locaux (dont les noms ne sont pas précisés), ainsi que le site de CNN.com (seule télé mentionnée). Au total, ils ont recensés 2 143 articles traitant de ces attaques terroristes sur le sol américain, de début 2011 à fin 2016.

Dans une tribune au Washington Post le 13 mars dernier, intitulée "Oui, les médias sous-traitent des attaques terroristes. Mais pas celles auxquelles on pense", les chercheurs expliquaient leur méthodologie et concluaient ainsi : "[Les médias] couvrent considérablement plus les attaques menées par des musulmans, particulièrement ceux nés à l'étranger – alors même qu'ils sont moins communs que d'autres types d'attaques terroristes". Une conclusion reprise par The Independent ce 3 juillet.

Résultats de l'étude des trois chercheurs de la Georgia State University, publiés dans le Washington Post.
Les graphiques montrent la part de couverture médiatique dédiée aux attaques menées par des musulmans (1ère ligne), parmi lesquels des musulmans nés à l'étranger (2ème ligne), et par des non-musulmans ou inconnus (3ème ligne), en comparaison avec la part d'attentats commis par ces même groupes.

"Certes, la couverture médiatique d'une attaque terroriste en particulier est influencée par de nombreux facteurs, nuancent les chercheurs dans le Washington Post (une nuance moins exprimée dans l'article de The Independent). Par exemple, si l'attaquant est arrêté, il y a plus d'informations sur l'inculpation, les auditions, le procès, etc. Les attaques contre les bâtiments et employés du gouvernement sont plus traités. Et comme le dit l'adage «si le sang coule, le sujet sera porteur», plus de morts et de blessés conduisent à une plus grande exposition médiatique". Mais malgré ces facteurs, les résultats restent équivalents, indiquent les chercheurs.

L'étude s'interroge surtout sur les conséquences de cet inégal traitement par les médias américains. Que ce traitement soit "une décision consciente des journalistes ou non", le résultat reste le même selon eux : "En couvrant les attaques terroristes commises par des musulmans plus dramatiquement que d'autres incidents, les médias font de ces faits des événements fréquents." Rien d'étonnant dans ce cas que "les américains soient si effrayés par l'islamisme radical. Mais la réalité montre que ces peurs sont mal orientées." Après cette étude quantitative, les chercheurs indiquent dans leurs conclusions vouloir se pencher sur le contenu des articles - c'est-à-dire, la manière dont sont traités les attaques dans les médias.

Nous avons nous-même fait des constats identiques : voir notre article : "London Bridge et Mosquée : deux attentats, deux traitements"

L'occasion de (re)lire notre enquête : "Attentat contre Charlie : faut-il parler de «terrorisme»?"

Lire sur arretsurimages.net.