Terrasse : sur les retraites, le vrai dérapage

Daniel Schneidermann - - 0 commentaires

Et voici Hollande, "candidat du système".

Dans la toute dernière ligne droite, apparurent les (derniers ?) horions. Hollande est "le candidat du système", lança Aubry. Hollande cria au dérapage. Et sur France Inter, Patrick Cohen, quêtant sa part de marché de castagne (pas de raison de laisser tout le gâteau à Aphatie et Elkabbach) de titiller successivement l'un et l'autre sur le système, les dérapages en général et les sondages en particulier. Jeu classique.

Et si "le système" n'était pas forcément où l'on pense ? Un exemple. Cette nuit, Libérationmettait en ligne un document fort intéressant. Dans cet enregistrement clandestin, on entendait le président du conseil général de l'Ardèche, Pascal Terrasse, par ailleurs conseiller de Hollande pour les retraites, expliquer on ne peut plus clairement, mercredi matin, que l'âge légal de la retraite devra rester à 62 ans, voire passer à 65 ans. Il est ainsi en parfaite contradiction avec la dernière position publique de Hollande, "le candidat de la confiance", qui s'est rallié à un retour à l'âge légal à 60 ans. Ecoutons-le (Terrasse, je le rappelle, ne sait pas qu'il est enregistré): "Je vais vous dire ce que je pense. Compte tenu de la situation de la Cnav, et de ses déficits, je ne pense pas honnêtement qu’on reviendra sur la borne d’âge. La vérité c’est qu’il faut qu’on aille à 65 ans sur la borne d’âge, pour arriver à trouver un équilibre financier compte tenu des enjeux démographiques lourds". Interrogé parLibé Terrasse s'est justifié en affirmant «être tombé dans un piège. Je ne savais pas que des journalistes étaient présents. C'étaient des propos privés. Je n'ai pas parlé en qualité de conseiller de François Hollande, et ce qui a été dit ne correspond pas à ses positions».

Cet enregistrement est un fait politique majeur. A quelques heures du vote, il expose Hollande au soupçon de double langage, sur un enjeu politico-économique hautement symbolique. Soit Hollande conserve sa confiance à Terrasse, et cela revient à avouer qu'il maintiendra la "borne légale" à 62 ans, voire la portera à 65 ans. Soit Hollande souhaite vraiment revenir à la "borne d'âge" à 60 ans, et il doit clairement désavouer Terrasse, voire se séparer de lui. Plus largement, le candidat qui dit ce qu'il fera, peut-il garder auprès de lui un responsable qui reconnait: «Il y a à la fois ce que les gens ont compris, ce que dit le PS, et ce qu’on fera. C’est trois choses différentes" ? Pourquoi Cohen (habituellement plus pertinent) ne l'a-t-il pas interrogé sur le sujet ? Pourquoi Aubry (qui avait interpellé Hollande sur cette gaffe de Terrasse mercredi soir, alors que l'enregistrement n'avait pas encore fuité) ne l'a-t-elle pas évoqué elle-même ? S'il existe un "système", hautement nocif, c'est celui qui escamote des radios du matin cette question-là, au profit de l'éternelle course aux miettes de petites phrases, et aux feux de brindilles.

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