Tapie : le Parquet ouvre une enquête (Le Monde)
Dan Israel - - 0 commentaires
Une mauvaise nouvelle de plus pour Christine Lagarde.
Le Monde révèle aujourd'hui que le procureur de Paris a ouvert à la mi-juin une enquête préliminaire pour "abus de pouvoirs sociaux" dans l'affaire Tapie. |
C'est le procureur général de la Cour des comptes qui a alerté le Parquet début juin, juste après avoir saisi la Cour de discipline budgétaire et financière, qui sanctionne les fautes lourdes commises par les agents de l'Etat dans la gestion des finances publiques. Nous l'avions raconté en détail, la Cour des comptes estime que l'accord passé en juillet 2008 entre Bernard Tapie et le CDR, l'organisme chargé de gérer les dettes du Crédit Lyonnais, est louche. A l'époque, le tribunal arbitral avait reconnu le préjudice moral et financier de l'homme d'affaires dans la vente d'Adidas en 1993, qui avait rapporté une pluvalue substantielle au Crédit Lyonnais. Comme nous l'avions longuement détaillé, l'Etat avait été condamné à lui verser 285 millions d'euros d'indemnités (400 millions avec les intérêts), dont 45 millions pour préjudice moral.
Aujourd'hui, écrit Le Monde, le Parquet "vise implicitement Jean-François Rocchi, l'un des hauts fonctionnaires qui, sous la houlette de Mme Lagarde, ont réglé l'arbitrage du conflit". Il était en effet président du CDR. "Le CDR est soupçonné par le parquet général de la Cour des comptes d'avoir favorisé les intérêts de Bernard Tapie. (…) Il aurait notamment permis l'ajout dans le projet d'arbitrage de la mention " préjudice moral " qui permit à M. Tapie de toucher 45 millions d'euros supplémentaires. (…) Les investigations, confiées à la brigade financière, devront aussi déterminer dans quelles conditions le CDR décida d'accepter, en novembre 2007, une procédure d'arbitrage, alors que, selon la Cour des comptes, de nombreux éléments y étaient "défavorables"." Bref, la justice va enfin se pencher sur les points litigieux qui sont soulevées depuis 2008 !
Le Monde rappelle que cette enquête devrait fortement ressembler à celle que mènera la Cour de justice de la République (compétente pour juger les ministres dans le cadre de leurs fonctions) si elle décide de poursuivre Lagarde. Elle a été saisie par le procureur général près la Cour de cassation, Jean-Louis Nadal, et dira le 8 juillet, s'il y a lieu d'enquêter. Dans son rapport de saisine de la CJR du 10 mai, révélé par Mediapart et aussi cité par Le Monde, Nadal souligne " l'implication personnelle de la ministre ", qui " a constamment exercé ses pouvoirs ministériels pour aboutir à la solution favorable à Bernard Tapie ", en prenant " des mesures destinées à faire échec à l'exécution de la loi".
Le Monde revient aussi sur une autre révélation de Mediapart : Un des trois juges qui ont donné raison à Tapie avait des liens avec l'avocat de l'homme d'affaires. Or, la ministre de l'économie l'avait appris, et aurait pu se servir de ce fait pour annuler la décision du tribunal arbitral, qui était très défavorable à l'Etat. Ce qu'elle n'a pas fait.
Lagarde, candidate à la succession de Dominique Strauss-Kahn à la tête du FMI, va sans doute devoir se préoccuper de près de son avenir judiciaire en France. Une bonne occasion de rouvrir notre dossier sur l'affaire Tapie.