Stefanini : au désespoir des décodeurs

Daniel Schneidermann - - (In)visibilités - 0 commentaires

Sur le bras de fer feutré, qui oppose le Vatican à la France à propos de la nomination du nouvel ambassadeur français auprès du Saint Siège, on ne sait pas grand chose.

Ce qui n'empêche pas articles et déclarations péremptoires à propos du "pape qui refuse l'ambassadeur gay". Bien qu'aucune des deux autorités concernées n'ait exprimé de position publique, la presse-qui-sait-tout croit en effet savoir que c'est son homosexualité, qui vaudrait à Laurent Stefanini d'être rejeté par le Vatican.

Mais ici commence l'incertitude. Est-ce le pape, le bon pape gay friendly François du "Qui suis-je pour juger?" qui refuse d'agréer Stefanini, ou la méchante Curie ? Selon l'AFP, citant "un bon connaisseur des arcanes diplomatiques entre la France et le Vatican", "la hiérarchie de la Curie apprécie M. Stefanini et s'est montrée favorable à sa nomination, de même que la conférence des évêques de France. Mais le pape François s'y oppose pour des motifs de doctrine". Mais l'AFP est un peu seule dans cette analyse. Le consensus général des vaticanologues occasionnels français penche plutôt pour la thèse inverse : un pape piégé par sa Curie rétrograde, laquelle l'aurait piégé en rendant l'affaire publique. Et La Croix ? Elle ne nous est d'aucun secours : "selon plusieurs sources dans l’entourage du pape, celui-ci s’estimerait désormais face à un piège regrettable. L’homosexualité du diplomate apparaissant dans la presse comme un enjeu de cette affaire, cet agrément se trouve de fait instrumentalisé quelle que soit la décision".

"Bon connaisseur" d'un côté, "sources dans l'entourage" de l'autre. La vaticanologie est un désespoir pour décodeurs, comme l'expliquait d'ailleurs voici quelques mois le chef du bureau de l'AFP lui-même, qui détaillait, dans un post de blog, la guerre d'intox et d'interprétations que se livrent les vaticanistes pro et anti François. Dans les "anti François" les plus actifs, un nommé Sandro Magister. Clic clic clic, que pense-t-il de "l'affaire" ? Pas grand chose. Il évite soigneusementt de se prononcer sur l'éventuel responsabilité du pape ou de la Curie (signe d'embarras ?)

Sur chaque péripétie, la guerre des interprétations fait rage. Le pape a rencontré Stefanini le week-end dernier. Pour lui confirmer son refus, comme croit savoir Le Canard enchaîné ? Pour faire mieux connaissance, comme affirment d'autres ? Et cette entrevue, combien de temps a-t-elle duré ? Quinze minutes (affront) ou cinquante minutes (chaleur et fraternité) ? Coiffant le mystère général, le rôle de Ludovine de la Rochère, dirigeante de la Manif pour tous. Selon le JDD, elle serait intervenue près du Nonce apostolique à Paris, pour dénigrer le diplomate. Ce qu'elle dément, assure la correspondante d'un site anti avortement, laquelle glisse en passant que si ça se trouve, Stefanini n'est peut-être même pas "gay" (les guillemets sont d'elle). Bref, on ne sait pas grand chose. Cela dit, on en sait toujours davantage que sur la démarche du CSA dans la nomination de la nouvelle présidente de France Télévisions.

Lire sur arretsurimages.net.