Starifions Bettencourt et l'île d'Arros !

Daniel Schneidermann - - 0 commentaires

Evidemment, on pourra, on peut, discuter la méthode de Mediapart.

Le côté supplice chinois, de la publication en tranches successives des conversations entre Liliane Bettencourt et le chef de son "family office", était sans doute destiné à jouer avec les nerfs des protagonistes (et a pleinement réussi). Davantage encore, on peut contester la publication de conversations recueillies grâce à un dictaphone dissimulé. De quelque manière que l'on présente les choses, il y a là une forme d'infiltration, que réprouvent les canons traditionnels du journalisme.

Mais, alors que nos confrères de Mediapart sont assignés jeudipar la milliardaire et son conseiller, et sommés de retirer les conversations sous peine d'une astreinte de 10 000 euros "par heure de retard et par extrait", la question qui domine toutes les autres est simple : le public a-t-il intérêt à avoir connaissance de ces informations ? Et la réponse l'est tout autant : c'est oui. Les conditions de l'embauche de l'épouse du ministre du Budget au service de la milliardaire, la connaissance précise qu'avait Mme Woerth de l'évasion fiscale pratiquée par cette dernière, à l'heure où son mari multipliait les moulinets contre les comptes en Suisse, sont des sujets d'enquête d'intérêt public. Ne nous y trompons pas : contrairement aux termes hypocrites des deux assignations, ce n'est pas pour avoir violé la vie privée, que Mediapart est assigné. Meilleure preuve : comme c'est curieux, les plaignants n'assignent pas Le Point, qui a pourtant choisi, dans les mêmes conversations, des passages touchant bien davantage à la vie privée de la milliardaire et de son cher photographe, en prenant garde d'expurger tout ce qui pourrait éclabousser le couple Woerth. Tiens donc ! On l'a oublié ? L'hebdomadaire n'arrive pas jusqu'à Neuilly ?

Dans une démocratie fonctionnant correctement, ces sujets devraient intéresser la Justice. On se pince d'ailleurs en voyant le procureur de Nanterre, Philippe Courroye, faire placer le maître d'hôtel à dictaphone en garde à vue, et se boucher soigneusement les oreilles pour ne pas entendre le contenu des enregistrements. En sommes-nous là, à cette poutinisation du parquet, dans le beau département des Hauts-de-Seine ? Eh oui, nous en sommes là. Mediapart a raison de hurler. Si nous avions eu ces enregistrements, nous les aurions publiés aussi. Le site est assigné demain. Jusque là, la publication des extraits est autorisée. Blogueurs, forumeurs, emparez-vous de ces extraits, diffusez-les. Faites de Liliane Bettencourt, de Patrice de Maistre, de l'île d'Arros, aux Seychelles, les stars incontestées du Web mondial. Les autres, ceux qui n'ont pas de site, envoyez des boules Quiès à Courroye, son stock doit être épuisé (parquet de Nanterre, 6 rue Pablo Neruda, 92000 Nanterre). Cela va donc sans dire, mais disons-le tout de même : nous sommes pleinement solidaires de Mediapart.

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