Souffrance au travail : Pages jaunes accusé (Cash investigation)
La rédaction - - 0 commentairesManagement douteux, suicide, machine à cash pour actionnaires avides : les Pages jaunes sont sorties lessivées de l'émission de France 2, Cash Investigation, consacrée à la dérive des fonds d'investissement qui versent toujours plus de dividendes aux actionnaires au détriment des salariés. Après un cache-cache de plusieurs mois, Elise Lucet a réussi à obtenir l'interview du PDG des Pages jaunes. Lequel a tenté de décrédibiliser l'enquête à la veille de sa diffusion.
Au moins, les salariés sont prévenus. La veille de la diffusion de Cash investigation sur France 2, dans un mail envoyé à tous les employés, et que s'est procuré Le Parisien, le PDG des Pages jaunes, Jean-Pierre Remy, a dénoncé le "caractère polémique" et l'enquête à charge de l'émission. Selon lui, Cash "instrumentalise" le suicide d'un salarié pour "accréditer la thèse" que les salariés sont sous pression des actionnaires. "Nous ne pouvons pas exclure qu'Elise Lucet et son équipe aient été abusées par des personnes mal intentionnées envers notre entreprise", écrit Remy. Très remonté contre l'émission, il se dit également "solidaire" du formateur des Pages jaunes dont les méthodes de management sont dénoncées par France 2.
Enfin, il a exhorté ses salariés à ne pas répondre aux provocations sur les réseaux sociaux après la diffusion de l'émission : "Il est fort probable que vous ayez à répondre à l'issue de cette diffusion aux questions de votre famille ou de vos proches (...). Pour beaucoup, la tentation de réagir en direct sur les réseaux sociaux sera grande. Je vous invite à la plus grande prudence pour éviter d'être vous-mêmes pris à partie car chacun de vous représente l'entreprise".
Pourquoi tant de précautions ? Le reportage de Cash investigation est terrible pour les Pages jaunes, son PDG, ses actionnaires et ses méthodes de management. Dans le cadre d'une émission consacrée aux dividendes, France 2 a démontré comment des fonds d'investissement ont déstabilisé l'entreprise. Quand France Telecom met en vente les Pages jaunes en septembre 2006, c'est le fonds d'investissement américain KKR et la banque Goldman Sachs qui ont acquis l'entreprise avec une mise de départ minimum. C'est ce qu'on appelle un LBO : le fonds d'investissement a emprunté aux banques l'essentiel de l'argent. En échange, l'entreprise est devenue une machine à cash pour rembourser les emprunts et distribuer des dividendes aux actionnaires. Interrogé par France 2, un actionnaire minoritaire assure que KKR/Goldman Sachs ont siphonné près de 4,5 milliards d'euros de la trésorerie du groupe, qui dégageait 100 millions d'euros de bénéfices par an avant son rachat.
Résultat : l'entreprise a dû se lancer dans une course effrénée aux résultats avec un management particulièrement violent. Cash s'est notamment rendu dans une séance de formation de commerciaux chargés de trouver des annonceurs pour l'annuaire. Une séquence de motivation, entre cris de guerre et humiliation :
L'émission est également revenue sur le suicide d'un salarié, reconnue en 2012 par l'assurance maladie comme un accident du travail en raison des objectifs inatteignables que lui avait assigné Pages Jaunes. Méthodes de management contestées, pression à la limite du harcèlement : que répond le PDG ? Après avoir multiplié les demandes d'entretien, Lucet, comme à son habitude, a coincé le patron sur un trottoir. Et durant l'interview, Remy va émettre des doutes sur la responsabilité de l'entreprise dans le suicide de son salarié... tout en condamnant les méthodes du formateur filmé par France 2 (avant de se rétracter à la veille de l'émission).
Pas vraiment à son avantage dans cette séquence, on comprend mieux pourquoi Remy a tenté de décrédibiliser l'émission auprès de ses salariés :
Sur les réseaux sociaux, l'enquête contre Pages jaunes a fait réagir, comme l'a relevé Liberation.fr. Certains internautes ont même retiré l'application de leur smartphone :