Sortie euro : Sapir s'en prend au Monde

Anne-Sophie Jacques - - 0 commentaires

Quand on s’attaque au dépiautage de l’hypothèse d’une sortie de l’euro, mieux vaut ne pas contredire les travaux de Jacques Sapir. Le Monde vient de l’apprendre à ses dépens : dans une note publiée sur son blog Russeurope, l’économiste tire à boulets rouges sur un journaliste de l’équipe des Décodeurs qui affirme que la conversion de la dette publique en francs – dans l’hypothèse où le pays devrait quitter la zone euro – pourrait être contestée devant les tribunaux. Faux ! s’insurge Sapir.

Si jamais la France venait à sortir de l’euro, la conversion de la dette publique dans une nouvelle monnaie nationale – disons le franc – pourrait-elle être contestée sur le plan juridique par les détendeurs de cette dette ? En gros, peut-on s’attendre à des tonnes de procès de la part des investisseurs floués ? C’est une des questions que pose Maxime Vaudano, journaliste du Monde et membre de l’équipe des Décodeurs qui s’attelle à ce vaste sujet : la sortie de l’euro prônée par le Front national nous ruinera-t-elle ?

Ce n’est pas la première fois que le journaliste se penche sur cette question juridique : en août déjà, comme nous le racontions ici, Vaudano assurait que "cette conversion risque de ne pas être légale". Certes, il existe bien la lex monetae, "un principe de droit international communément admis : chaque Etat étant souverain pour définir sa monnaie, en changer et fixer le taux de conversion, la France devrait être juridiquement fondée à transformer sa dette nationale de l'euro vers le franc." Cette loi permet donc la conversion de l’euro en franc, à partir du moment où les contrats sont rédigés en droit français. Et ça tombe bien : selon une étude de la banque japonaise Nomura non contestée à ce jour, 97% de la dette publique française est émise sous contrats de droit français.

L’argument est repris par le Front national qui en fait son miel : voyez, la conversion de la dette publique ne serait pas si coûteuse. En effet, la France n’aurait pas à rembourser sa dette en euros mais en francs. Mais, estime Vaudano, les détenteurs de cette dette risquent alors de s’en prendre à l’Etat français pour cette conversion manu militari. Et de multiplier les procès. Pour étayer ses propos, le journaliste du Monde s’appuyait en août sur les travaux du think-tank Copernic – à gauche – puis, dans son article de septembre, sur une "mesure radicale prise fin 2011 par la Banque d'Angleterre : suggérer aux institutions financières d'intégrer systématiquement dans leur contrat une clause de sortie de la zone euro, pour réduire l'incertitude en cas de changement de monnaie de leurs débiteurs". La preuve pour Vaudano qu’il y a bien un doute juridique sur cette question.

Contresens total, estime pour sa part l’économiste Jacques Sapir qui s’en prend au journaliste du Monde dans un billet publié sur son blog Russeurope : "si la Banque d’Angleterre a fait cette suggestion, c’est en réalité pour protéger les investisseurs britanniques contre l’application du principe juridique cité", à savoir la lex monetae. Et de poursuivre : "s’il y avait eu en la matière ce que les juristes appellent un «doute raisonnable» que les dettes puissent être remboursées dans une autre monnaie que celle du pays considéré, la BofA n’aurait pas eu besoin de faire cette recommandation". Pour Sapir donc, contrairement à ce qu’affirme Vaudano, c’est bien la preuve que la loi française pourra s’appliquer sans que les investisseurs ne puissent gagner leurs éventuels procès.


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