Sondage : le JDD se prend les pieds dans les préjugés

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Sur une double page, le Journal du dimanche du 31 janvier commente les résultats d'une étude commandée par la Fondation du judaïsme français à l'IPSOS sur "la façon dont se perçoivent et sont perçues les communautés juives et musulmanes en France". Une question en particulier pose un (gros) problème méthodologique : elle invite à préciser l'origine géographique (supposée) ou la confession (supposée) de "personnes" avec qui les enquêtés "ont personnellement rencontré des problèmes". Bien malin qui saura répondre...

Sondage à la méthodologie "étrange", "bourré de clichés", et comportant une question particulièrement "douteuse" : Les Décodeurs du Mondene cachent pas leur scepticisme face à l'enquête publiée par le JDD sur le "vivre-ensemble" en France. L'objet de ces critiques : une étude menée par l'IPSOS pour le compte de la Fondation du judaïsme français, de juillet 2014 à juin 2015, auprès "du grand public" (1 005 répondants), de personnes se déclarant juives (358), et de personnes de déclarant musulmanes (500). Une méthodologie "plutôt inusitée", relève Le Monde : il est en effet inhabituel de s'appuyer sur trois échantillons différents. Le JDD en a néanmoins repris certaines conclusions le 31 janvier, dans une double page intitulée "La grande peur des juifs de France".

Sous la plume d'une journaliste du JDD, on peut d'abord lire une synthèse des principales conclusions de l'enquête : un climat de "méfiance générale", un "choc des religions" et enfin un "antisémitisme en progression". Deux articles viennent compléter cette synthèse : un entretien avec le président de la Fondation du judaïsme français Ariel Goldmann, qui a commandé l'étude à l'IPSOS, et un article intitulé "Les musulmans victimes de rejet", qui revient sur certains résultats de l'étude spécifiquement relatifs à la perception des musulmans en France.

A ces trois textes s'ajoute une infographie – c'est par là que la polémique a surgi : un encadré intitulé "des préjugés tenaces". Ce dernier vise, comprend-on, à donner à voir les préjugés des enquêtés sur les immigrés, les chômeurs, ou encore les juifs. Répertorier des préjugés sans les corriger : l'exercice, en soi, est risqué. Il devient encore plus difficile à défendre lorsqu'il propose aux personnes interrogées de nommer l'origine géographique ou l'appartenance religieuse de personnes avec qui ils ont "personnellement rencontré des problèmes".

"En lisant tout le sondage, on comprend que cette question est posée dans le but de comprendre les clichés et représentations présentes dans la population. Mais sa formulation est pour le moins abrupte", note Le Monde. Une formulation abrupte, et des réponses orientées par les choix possibles : pas de catégorie "athées", ni de "personnes d'origine française", sans même parler de la catégorie des "Ne répond pas" ; un mélange hasardeux entre origines géographiques et confessions, et au final une question à laquelle, en pratique, il est à peu près impossible de répondre (il est rare de demander à son agresseur de décliner ses origines et sa confession). La question d'IPSOS, reprise par le JDD, laisse pour le moins perplexe.

Dans les conclusions de l'enquête, consultables en intégralité sur le site de l'institut de sondages, on apprend en effet que les personnes interrogées étaient invitées à s'exprimer non seulement sur les "agressions" et "insultes", mais également les "comportements agressifs" - une notion particulièrement large et difficile à définir.

Contacté par @si, le rédacteur en chef du JDD Laurent Valdiguié défend la démarche de la question : "Cette question est importante dans l'étude d'IPSOS parce qu'elle contient le mot "personnellement". Ils ont voulu passer du ressenti général et global à quelque chose de personnel." Mais, interrogé sur le problème de méthode qu'elle pose, Valdiguié esquive : "Le problème, c'est ce que mesure cette étude". En effet.

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