Snowden : les détails de la course au scoop

Gilles Klein - - 0 commentaires

Course de vitesse entre le Guardian et le Washington Post pour être les premiers à révéler le scandale Prism. C'est ce qu'indique la genèse de l'histoire qui chaque jour devient de plus en plus précise. En effet, selon le site d'information américain Salon, Snowden a commencé par contacter une réalisatrice de documentaire qui lui a, ensuite, donné les noms de deux journalistes, un du Washington Post, l'autre du Guardian qui, depuis, rivalisent autour de la paternité de cette révélation. Par ailleurs, Edward Snowden a dévoilé à la presse chinoise de nouvelles informations sur l'espionnage de la Chine par les USA.

Comment l'information Snowden s'est-elle retrouvée le même jour à la Une du Guardian et du Washington Post ? La réponse se précise chaque jour un peu plus, à mesure que la genèse de l'histoire est racontée par les différents protagonistes. Nouvelle venue : Laura Poitras. Cette réalisatrice qui filme actuellement les dessous de l'affaire Prism à Hong Kong où s'est refugié Snowden, a raconté toute l'histoire de cette aventure dans une interview au site d'information Salon signalée par Libération. Elle explique qu'elle avait raconté avoir subi des harcèlements policiers lorsqu'elle franchissait la frontière, sans doute parce qu'elle travaillait sur les lanceurs d'alerte. Snowden lui a dit l'avoir choisie pour cela.

Il a commencé par la contacter de manière anonyme en janvier dernier par un e-mail de "quelqu'un" qui souhaitait lui donner des informations sur les services de renseignement, mais via des messages cryptés.

Poitras s'est méfiée, craignant un piège. Elle a ensuite demandé leur avis à deux journalistes qu'elle connaissait, Barton Gellman (Washington Post) et Glenn Greenwald (Guardian), tout en déclarant qu'elle ne savait pas du tout que Snowden travaillait pour la National Security Agency (NSA). Elle l'a découvert beaucoup plus tard. Ensuite, Snowden a contacté directement les deux journalistes. Et Poitras contredit Greenwald qui disait avoir travaillé avec Snowden : "Nous n'avons pas travaillé avec lui, il nous a contacté, puis il nous a montré des documents."

Plus de détails encore dans un article du Guardian rédigé par le journaliste Ewen MacAskill depuis Hong Kong, qui raconte que Snowden a contacté, mi-février 2013, Greenwald, collaborateur du Guardian (après collaboré avec Salon), basé au Brésil. Snowden lui a demandé d'installer un système de cryptage sur son ordinateur pour lui communiquer des informations confidentielles.

Mais Greenwald ignorant qui c'était, n'a rien fait. C'est Poitras qui a relancé Greenwald en mars pour lui dire qu'elle prenait au sérieux cet interlocuteur anonyme. Finalement, Greenwald a consulté la rédaction américaine du Guardian britannique à New York, le 31 mai.

Lee 1er juin, Greenwald et Poitras sont partis à Hong Kong avec Ewen MacAskill : tous les trois ont interviewé Snowden, très étonnés quand ils découvert qu'il n'avait que 29 ans. Greenwald s'est même dit "nous avons fait ce voyage pour rien", avant de changer d'avis au bout d'une heure au vu des précisions fournies par Snowden.

Après des contacts indirects, le premier contact direct entre Snowden et Gellman (Washington Post) a eu lieu le 16 mai, raconte Gellman. Comme nous l'avons déja signalé, Snwoden demandait au Washington Post qu'il publie, dans les 72 h l'intégralité des 41 pages de la présentation PowerPoint secrète du programme Prism. Il avait aussi demandé que le Post publie, avec la présentation une clé de cryptage pour prouver que lui, Snowden, était bien à l'origine de la fuite, ce qui devait faciliter une éventuelle demande d'asile auprès d'une ambassade.

Mais le Washington Post a refusé, et consulté les autorités américaines avant de publier, deux semaines plus tard, le même jour que le Guardian, une enquête sur Prism avec seulement les quatre premières pages de la présentation pour éviter de mettre en danger la sécurité nationale. Journal britannique, le Guardian aurait sans doute pu publier plus, mais il n'a lui aussi montré que les quatre premières pages.

Par ailleurs, ce matin, Le South China Morning Post, qui a rencontré Snowden à Hong Kong, annonce que le jeune Américain lui communiqué la liste des ordinateurs ou réseaux informatiques chinois uniquement civils, espionnés par la National Security Agency (NSA) depuis 4 ans, avec les adresses IP des sites concernés et les dates d'intrusion.

Les documents montreraient que la NSA aurait réussi à 75% à entrer dans les cibles visées.

La télévision d'Etat chinoise a évoqué le cas Snowden pour la première fois jeudi soir. Ce qui souligne, selon le quotidien, la prudence avec laquelle les autorités de Pékin abordent cette affaire, car elles ne souhaitent pas envenimer leurs relations avec les Etats-Unis, qui n'ont, pour l'instant fait aucune demande officielle d'extradition de Snowden. Le quotidien évoque des conversations discrètes entre les deux pays sur son cas.

La communication de ces documents à la presse chinoise montre que Snowden risque de faire d'autres révélations. Ce dernier rebondissement peut apparaître comme une manoeuvre pour mettre les autorités de Hong Kong de son coté en cas de demande d'extradition américaine, mais du point de vue américain, elle aggrave son cas.

Ceci alors qu'un éditorial du New York Times avait apporté, cette semaine, un soutien inattendu à Snowden en estimant qu'il avait agi au nom de "la désobéissance civile" : "Quels que soient ses délits - et il en a clairement commis plusieurs - Mr Snowden n'est pas coupable de trahison, même si ceux qui ont longuement gardé le secret sur ce qu'il vient de révéler explosent de rage."

Les officiels américains craignent que Snowden ait eu accès à beaucoup d'autres documents confidentiels signale le Washington Post. Il pourrait donc y avoir d'autres fuites étalées dans le temps.

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