Schröder : le cri primal de Hollande

Daniel Schneidermann - - 0 commentaires

La scène se déroule en Allemagne. On fête l'anniversaire du SPD

(la "gauche" allemande). Aux festivités, sont aussi conviées Angela Merkel, et le président allemand. Bref, toute l'Allemagne. Un concentré d'Allemagne. Un nectar, une quintessence d'Allemagne. Et au milieu de cette quintessence, François Hollande, donc. Que dit-il ? Il loue les réformes Schröder, celles qui ont soit-disant sauvé la compétitivité allemande (ce point est contesté par un excellent spécialiste, Guillaume Duval, dans un excellent livre), et créé des centaines de milliers de pauvres. «Le progrès, c'est aussi de faire des réformes courageuses pour préserver l'emploi et anticiper les mutations sociales et culturelles, comme l'a montré Gerhard Schröder (...) Elles ont permis à votre pays d'être aujourd'hui en avance sur d'autres. (...) Ces décisions ne sont pas faciles à prendre, mais rien ne se construit de solide en ignorant le réel. Le réalisme, ce n'est pas un renoncement à l'idéal. C'est le moyen le plus sûr de l'atteindre». Saluons au passage la virtuosité de l'orateur, capable le même jour de cette apologie du travailler plus pour gagner moins, et d'un éloge funèbre de ce cossard métèque de Moustaki. Passons.

En France, il n'oserait pas cet éloge de Schröder qui, ses réformes accomplies, a entamé une belle seconde carrière d'homme d'affaires, notamment en vendant ses services au Russe Gazprom. En Allemagne, il ose. A croire que tous ces sociaux démocrates autour de lui, ça le chatouille, ça lui fait des choses. Cette après-midi à Leipzig, c'est une sorte de court séjour de remise en forme au club med, pour socialiste français harassé et mal dans sa peau, avec atelier cri primal, et gym tonifiante au bord de la piscine (une deux, assouplissement du licenciement, élongation des annuités, une deux, une deux). Jouer, rire, pleurer, rêver, aimer : voyez comme il renoue avec ses pulsions. En lui, le lion social-démocrate se réveille et rugit dans la savane. Il retrouve son animalité. Saluons cette résurrection.

On s'étonnera. On s'indignera. Mais le plus étonnant, c'est qu'on s'étonne. Le job de François Hollande, en fait, n'est-il pas un job de communicant assez classique ? Le titulaire du poste est chargé de promouvoir auprès d'un  public de soixante millions de clients potentiels la politique allemande, les dogmes allemands, les exigences allemandes. Le poste est logé à l'Elysée, dans un faste inouï. Le titulaire est doté de plusieurs voitures de fonction, d'un avion avec chambre privative, d'un siège au conseil de sécurité de l'ONU, d'effectifs de police conséquents, d'une armée avec force de dissuasion en état général de marche. Il comporte certes quelques astreintes pénibles (notamment de fastidieuses cérémonies en plein air sous la pluie le 14 juillet et le 11 novembre), mais c'est globalement un travail attractif. Allant rendre compte devant son conseil d'administration, François Hollande est exactement à sa place.

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