Sarkozy : surprise party dans la basse-cour

Daniel Schneidermann - - 0 commentaires

Abus de faiblesse: dans l'esprit embrumé des auditeurs matinaux

, ceux qui ont appris au réveil la mise en examen de Sarkozy dans l'affaire Bettencourt, c'est le mot qui surnagera. Au-dessus de tout le reste, au-dessus des détails sur les dates de visite à l'hôtel particulier de Neuilly, des arguties et des engueulades de la basse-cour soudain effarouchée (pour tous ces détails, voir notre dossier très complet sur l'affaire Bettencourt). Au-dessus même de cette ironie toujours réjouissante des patronymes, qui nous plonge dès le réveil dans les souvenirs de plus ou moins bonne foi du majordome Bonnefoy.

Abus de faiblesse: derrière ce chef de mise en examen, peu courant dans les affaires de financement politique, aussitôt se forme l'image, l'image mentale du ministre baratineur manipulant la vieille dame qui n'a plus toute sa tête. L'image gravée, désormais indélébile, quoiqu'il arrive par la suite, aussi vive, aussi forte, que l'image du coffre-fort suisse de Cahuzac, débordant des billets des laboratoires pharmaceutiques. Inexorable alliance involontaire du juge et des médias, plus implacable que toute la suite de la procédure pénale, quelle qu'elle soit.

Sans oublier le troisième personnage de la pièce: l'allié ou le vassal politique qui exprime son indignation. Car ce sont les avantages collatéraux des surprises: les réflexes parlent, se montrent à nu, dans leur obscénité ordinaire. Premier réflexe dans la bouche de la plupart des sarkozystes: "c'est un complot. Ce n'est pas un hasard si ça arrive à ce moment. Le juge est partial, il voulait faire tomber Sarkozy". Ainsi se rappelle salutairement la nature profondément paranoïaque de la psychologie du responsable politique. Notons incidemment que lorsqu'un politique est mis en examen, ce n'est jamais le moment. Il faudrait attendre que les élections soient passées, que les sondages se retournent, voire même la fin de la crise. Second réflexe: l'incrédulité, à la manière surjouée de Pécresse chez Elkabbach. " C'est surréaliste (répété plusieurs fois) Vous imaginez une seule seconde le ministre de l'Intérieur de la 5e puissance mondiale... ?" Etrange, comme une responsable politique ni plus ni moins intelligente que la moyenne, peut penser que sa propre incrédulité surjouée va nous contaminer, à force de répétitions. Sous le coup de la surprise, ils sont entre eux. Ils ont perdu le public de vue. C'est peut-être le seul moment où, dépouillés de leurs éléments de langage, ils se révèlent tels qu'ils sont.

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