Sarkozy-Madoff, ou la bonne affaire des insultes

Daniel Schneidermann - - 0 commentaires

Rien ne vaut un bon vieux gros mot, pour faire redémarrer les affaires.

En l'occurence, la comparaison de Sarkozy avec Madoff, émise par Martine Aubry, a fait repartir à plein régime la machinerie médiatico-exégétique.

C'est une bonne affaire, l'insulte politique. Instantanément, voyez comme elle redonne de l'ouvrage aux petits métiers :susciteurs de réactions indignées à droite, de démarquages ou d'approbations à gauche, éditorialistes de la pressedeprovince, titreurs, décrypteurs de stratégies : les affaires reprennent. Toute cette matière grise, tous ces trésors de subtilité, laissés en jachère tout au long de l'aride débat sur les retraites, tout ce potentiel de pédagogie, qui ne considérait pas l'arbitrage entre âge légal et nombre d'annuités comme un objet digne de lui, a enfin trouvé à se ré-employer (tiens, au passage, nous commençons aujourd'hui une contre-enquête sur la médiatisation de la réforme des retraites. Elle est ici). Et demain, après-demain, évidemment, les sondeurs entreront en piste. Alors, Aubry ? En hausse ? En baisse ?


Dans le concert, qui démontre une fois de plus la colonisation des grands médias par les journalistes politiques, au détriment des journalistes économiques, nul n'a relevé l'incohérence du fond de la phrase de Martine Aubry : "J'ai un peu l'impression que quand Nicolas Sarkozy nous donne des leçons de maîtrise budgétaire, c'est un peu M. Madoff qui nous administre quelques cours de comptabilité" Qu'est-ce que cela signifie ? Que la gauche sera encore plus rigoureuse que la droite, dans la chasse aux déficits ? Qu'elle sera plus efficace encore, dans l'application de la rigueur ? Questions moins intéressantes, à l'évidence, que la belle et bonne insulte.

PS : pour prévenir d'éventuelles objections du forum, le choix de ce sujet ce matin ne signifie évidemment pas que le matinaute se désintéresse de l'arraisonnement meurtrier de la flottille humanitaire pro-palestinienne par l'armée israélienne. Mais mieux vaut parfois attendre un peu, que d'écrire des bêtises. En attendant, sur les absurdités du blocus de Gaza au jour le jour, lisez donc ce remarquable reportage du Monde, qui vous avait peut-être échappé.

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