Sarkozy, et les embedded à la bouche pleine

Daniel Schneidermann - - 0 commentaires

Et c'est parti pour le remake: pas un accrédité à l'Elysée

ayant accompagné Sarkozy et Fillon dans la Sarthe, n'a été dupe de l'objectif véritable de la virée volaillère: occuper les 20 Heures, faire de l'image avicole pour becqueter quelques secondes d'espace à la déclaration de candidature de Martine Aubry. Pas un journal télévisé, qui n'ait accompagné les belles images d'un commentaire-à-qui-on-ne-la-fait pas, ce fameux commentaire qui distingue radicalement la propagande sarkozyenne de celle de Ceaucescu, en soulignant que ces belles images étaient, en soi, le but du déplacement. Le pompon à Arnaud Leparmentier, du Monde, racontant sur son blog un Sarkozy aux petits soins pour la presse, allant même chercher au buffet des petites cuillers pour les accrédités, après les avoir snobés pendant quatre ans. "L'offensive affective est à l'oeuvre" écrit-il. Et de rapporter cette jolie phrase de Fillon aux journalistes tentant d'arracher au duo une réaction sur Aubry: "prenez du poulet. Quand vous aurez la bouche pleine, vous ne poserez plus de question". Chassez le naturel... Mangèrent-ils ? Le reportage ne le dit pas.

Mais alors, si le contenu informatif de cette visite est si nul, s'il n'y a rien d'autre à en dire qu'il n'y a rien à en dire, alors pourquoi les mêmes journalistes se sentent-ils tout de même obligés d'en parler ? Pourquoi ne pas décider de faire l'impasse ? Question faussement naïve. Parce que c'est Sarkozy, parce que c'est Fillon. Parce que dans ce système, avec cette hiérarchie implicite des sujets qui résiste à tous les décyptages critiques, une sortie de Sarkozy et Fillon au poulailler constitue par essence une actualité hautement obligée.

Accessoirement, il est cocasse d'assister au retour des mamours, confidences et attouchements de campagne, prodigués par le candidat aux embedded à la bouche pleine, et de cette "violence totalitaire de la séduction", décrite par Judith dans une de nos immortelles émissions de 2007. Sur ce plateau, l'embedded du Monde d'alors, Philippe Ridet qui, avant Leparmentier, "décryptait" en maître les offensives affectives sarkozyennes, admettait qu'il se donnait peut-être ainsi "l'illusion de la distance" critique. Visionnage vivement recommandé à ses successeurs, mais sans garantie. Si le retour du pire n'est jamais certain, le contraire ne l'est pas davantage.

 

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