Sarko m'a tuer : pourquoi ça va marché

Daniel Schneidermann - - 0 commentaires

Pourquoi un livre donne-t-il, d'emblée, avant lecture, une impression de complète réussite ?

D'abord le titre, bien entendu. A cet égard, "Sarko m'a tuer" est évidemment un bon titre, malgré son aspect "cliché". Un recensement méticuleux des titres d'articles comportant les mots "m'a tuer", depuis l'affaire Omar Raddad, faute d'orthographe incluse, donnerait sans doute quelques milliers de résultats (et les livres se comptent aussi à la pelle, comme le remarque Vincent Glad sur Twitter). Mais si le livre explose comme une bombe, au-delà de son argument de vente immédiat (l'infirmière qui aurait parlé à la greffière), c'est parce que ce titre, aussi cliché soit-il, cristallise en trois mots une réalité jusqu'ici largement perçue, mais non formalisée. Elle n'échappait certes à personne: depuis la création du site, comme nous le rappelons ici, nous avons reçu sur nos plateaux bon nombre de "clients" de Davet et Lhomme, bon nombre de ces victimes du sarkozysme, de cette appropriation privée de l'Etat, sans précédent depuis la monarchie, et nous en avons suivi davantage encore. Mais en trois mots, la voici enfermée, et soudain irréfutable. D'avoir simplement nommé la chose, d'en avoir fait slogan, les auteurs méritent reconnaissance.

Le contenu est à la hauteur, et surtout exceptionnellement médiatisable. 27 victimes du sarkozysme, ce sont autant (ou presque) de témoins prêts à se rendre sur les plateaux, 27 histoires à raconter, parfois touchantes, parfois édifiantes, parfois discutables, toujours intéressantes. Dans la seule matinale d'aujourd'hui, France Inter réussissait par exemple l'exploit d'en inviter deux (Aurélie Filippetti, et Dominique de Villepin). Et ce n'est pas fini.

Comme tout titre, celui-ci comporte évidemment sa part de raccourci. Peut-on mettre sur le même plan des hauts fonctionnaires, des magistrats, des policiers, des gendarmes, des préfets, mutés ou placardisés pour crime d'indépendance d'esprit, ou des alliés disgracés, des rivaux neutralisés, ou des adversaires politiques discrédités (Dray, Boutin, Villepin, qui figurent parmi "les 27") ? Daniel Bouton, écarté de la Société Générale sur demande insistante de Sarkozy après l'affaire Kerviel, peut-il vraiment être considéré comme une victime ? Est-il forcément scandaleux que la défaillance, le défaut de vigilance d'un grand patron à salaire pharaonique soient sanctionnés ? Devraient-ils être intouchables ? Bref, ce livre pose mille questions, dont je me pourlèche à l'avance de pouvoir débattre, sur le plateau, demain, avec les auteurs. Ils seront en compagnie d'un autre de leurs "clients", Yannick Blanc (je vous laisse chercher pourquoi Sarko l'a tuer, lui). Je fais du teasing ? Mais oui, je fais du teasing !

(Montage emprunté au blog Ze:bench)

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