"Sarko m'a tué" : l'IGS a truqué une enquête (Le Monde)

Dan Israel - - 0 commentaires


De hauts gradés policiers de l'Inspection Générale des Services (IGS) ont truqué une enquête, en 2007, afin d'écarter de leurs postes, sans aucune raison, des fonctionnaires de police d'un autre bord politique.

C'est la conclusion ahurissante que tire une double page explosive du Monde paru aujourd'hui. Le journal raconte comment l'IGS, la police des polices, est "suspectée d'avoir sciemment truqué une enquête judiciaire". Quatre juges d'instruction parisiens, qui mènent six enquêtes distinctes, ont établi que "des procès-verbaux ont été modifiés, des écoutes déformées, une possible affaire de corruption étouffée".

Le préfet de police de Paris, Michel Gaudin, "pilier du système sarkozyste" selon Le Monde, a été interrogé le 15 décembre comme "témoin assisté, un statut hybride entre celui de témoin simple et de mis en examen". Tout comme l'ancien patron des renseignements généraux, Pascal Mailhos. C'est "un scandale sans précédent" qui ébranle la Préfecture de police de Paris, assurent les signataires de l'enquête, Gérard Davet et Fabrice Lhomme. Et pourquoi un tel scandale ? Ce qu'on peut légitimement juger comme une vétille : il s'agissait "d'écarter deux fonctionnaires, jugés trop proches du Parti socialiste".

Au premier rang des fonctionnaires gênants, Yannick Blanc. Nous l'avions invité à la rentrée, car il figure en bonne place dans le livre de Davet et Lhomme, Sarko m'a tué. En 2006, ce haut fonctionnaire était le directeur chargé des sans papiers à la Préfecture de police de Paris.

En juin, Nicolas Sarkozy, ministre de l'Intérieur, avait fait rédiger une circulaire concernant la régularisation de sans-papiers. Et, dans une interview au Monde, le 6 juillet, Blanc avait indiqué que cette circulaire conduirait à régulariser "plusieurs milliers de familles". Avant de se faire sèchement contredire par Sarkozy, puis remercier en janvier 2008 (lisez son interview à Libération quelques jours après).

Dans l'intervalle, il avait été inquiété par l'IGS, qui lui reprochait, à lui, trois de ses proches collaborateurs, et à l'officier de sécurité de l'ex-ministre de l'Intérieur Daniel Vaillant, un trafic de titres de séjour. En janvier 2011, la cour d'appel avait totalement blanchi tous les mis en cause.Sur notre plateau, Blanc avait indiqué penser qu'il avait "été victime d'un phénomène de zèle imbécile".

Ecoutez-lepicto

Les révélations du Monde démontrent aujourd'hui que l'affaire est infiniment plus grave. Le journal détaille comment, après une série d'interrogatoires, une "note de synthèse" de l'IGS adressée au préfet de police, et qui a déclenché les mises en examen de quatre fonctionnaires en juin 2007, avait été truquée. La note indiquait par exemple que deux des femmes mises en examen avaient reconnu avoir attribué, de leur propre chef, des titres de séjour, en contrepartie de cadeaux et de sommes d'argent. Ce qu'elles avaient en fait clairement démenti lors de leurs auditions. Leurs déclarations avaient dûment été notées dans un PV d'audition classique. Manifestement, "les policiers n'ont pas relu leurs PV avant de rédiger leur compte rendu d'enquête", souligne Le Monde... L'avocat des deux femmes, et de l'adjoint de Yannick Blanc, lui aussi injustement mis en cause, avait saisi la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, estimant que des " faux en écritures publiques " avaient été commis par les enquêteurs de l'IGS. La cour d'appel lui a donné raison.

Le Monde détaille d'autres anomalies inquiétantes. Ainsi, le policier de l'IGS censé avoir signé un autre rapport de synthèse, qui mettait gravement en cause Blanc, dément formellement l'avoir rédigé, et a fourni la preuve qu'il ne pouvait pas être présent lorsqu'il a été écrit. Un policier de l'IGS a assuré à la juge que "la phrase incriminant M. Blanc ne pouvait avoir été rédigée que sous le contrôle et avec l'approbation du directeur de l'IGS et de son adjoint, voire sous leur dictée".

Au passage, les juges ont aussi découvert que l'IGS avait bien mis au jour une affaire de corruption de policiers par un commerçant. Mais elle concernait un autre service de police, et les phrases gênantes apparues au cours d'écoutes téléphoniques ont donc été "caviardées".

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