"Sabotage" TGV Lyon-Turin : Erri De Luca en procès
Justine Brabant - - Alternatives - 0 commentaires"La Tav va sabotata", "Le TGV doit être saboté". L'écrivain italien Erri De Luca va être jugé pour avoir prononcé ces mots à propos du chantier de train à grande vitesse reliant Lyon à Turin lors d'une interview accordée en septembre 2013 au Huffington Post. Son procès s'ouvre à Turin ce mercredi.
À l'origine du procès : une plainte déposée par la société Lyon Turin Ferroviaire (LTF), chargée de la construction de la ligne de TGV qui devrait relier la ville française à la ville italienne en traversant les Alpes. Elle accuse l'ouvrier, écrivain, poète et traducteur Erri De Luca d'avoir "incité publiquement à commettre un ou plusieurs délits et infractions aux dépens de la sociétéLTFet du chantier TAV [Treno ad Alta Velocità, TGV en italien] de La Maddalena di Chiomonte". Ce dernier risque jusqu'à cinq ans de prison..
Interrogé sur ce projet en 2013 par la version italienne du Huffington Post, Erri de Luca avait déclaré que le TGV devait "être saboté". Il précisait, après une relance du journaliste (nous empruntons la traduction de l'italien à Rue89) :
"Donc le sabotage et les actes de vandalisme sont licites?
– Ils sont nécessaires pour faire comprendre que la TAV est un chantier nocif et inutile."
L'entretien au Huffington Post pour lequel Erri De Luca est poursuivi
(en italien)
L'écrivain n'a jamais caché son opposition au projet. Dans un autre entretien, accordé à Libération en juin 2014, il disait "partager les arguments" des habitants du Val de Suze, vallée dont les habitants sont mobilisés contre le chantier, et estimait le TAV "nocif et inutile". Il y expliquait également les origines de son engagement : "Il y a huit ans, j’étais dans le Piémont pour présenter mon spectacle Quichotte et les Invincibles et on m’a proposé d’aller rencontrer les «NO TAV». (...) Dans la nuit, ils m’ont appelé car l’armée était intervenue violemment et avait détruit leur campement à Venaus. A dater de cette nuit-là, j’ai participé à la lutte de cette petite communauté montagnarde, à la légitime défense de cette vallée."
Quid de l'incitation au sabotage ? Erri de Luca maintient-il ses propos ? L'écrivain ne conteste pas avoir utilisé le mot "saboter", mais plaide pour une interprétation au sens figuré. Il expose sa défense dans un petit livre de 48 pages intitulé La Parole contraire, paru le 8 janvier chez Gallimard : "Je revendique le droit d'utiliser le verbe "saboter" selon le bon vouloir de la langue italienne. Son emploi ne se réduit pas au sens de dégradation matérielle, comme le prétendent les procureurs de cette affaire. Par exemple : une grève, en particulier de type sauvage, sans préavis, sabote la production d'un établissement ou d'un service. (...) Il suffisait de consulter le dictionnaire pour archiver la plainte sans queue ni tête d'une société étrangère." |
→ L'occasion de revoir notre émission sur les "grands projets contestés" : projet de ligne TGV Lyon-Turin, mais également barrage de Sivens, ferme dite "des 1000 vaches" ou aéroport de Notre-Dame des Landes.