Russie : Poutine ne chevauchera plus de météorite

Justine Brabant - - 0 commentaires

Adieu Vladimir Poutine à dos de météorite, transformé en homme-hélicoptère, jouant à Risk avec Barack Obama ou proche, très proche de Dimitri Medvedev. L'agence russe de supervision des communications et des médias vient de publier une "mise à jour" de la loi sur les données personnelles, qui interdit la publication de mèmes (images ou vidéos virales) parodiques de personnalités publiques, relève le blog du Washington Post "Intersect".

Il ne s'agit pas d'une nouvelle loi, mais d'une "clarification" de la politique russe en vigueur. Elle pourrait avoir des effets spectaculaires sur le contrôle du net en Russie. L'agence de supervision des communications et des médias(Roskomnadzor) a annoncé mardi qu'il était illégal d'utiliser l'image d'une célébrité dans un mème lorsque "cette image n'a aucun rapport avec la personnalité de cette célébrité".

Un exemple du type de détournement qui pourrait être interdit
(galerie plus complète de mèmes de Vladminir Poutine par ici)

Cette clarification est la conséquence d'une décision de justice : un juge russe a en effet donné raison, cette semaine, au chanteur Valeri Syutkin dans un procès qui l'opposait à un site internet ayant détourné son image. Sa photo y était accompagnée de la légende "donne une gifle à cette connasse" (une référence "qui n'est apparemment drôle que quand on connaît bien la pop russe", observe Slate). Une image qui constituerait une atteinte à la vie privée du chanteur, selon le juge moscovite. Plus généralement, ce type de détournement "constitue une atteinte à l'honneur, à la dignité et aux affaires des personnalités publiques", estime l'agence de supervision des communications et des médias.

Comment, concrètement, fonctionnera cette nouvelle interdiction ? Il faudra en fait que les personnalités concernées par les mèmes en question (la loi s'applique également aux comptes et sites parodiques) fassent une requête auprès de Roskomnadzor, qui pourra alors porter l'affaire devant la justice. Les sites internet concernés devront alors retirer ces images, ou faire en sorte qu'elles ne soient pas visibles des internautes russes, sous peine d'être bloqués, explique la journaliste Caitlin Dewey sur le blog du Washington Post, "Intersect".

"Dommage, car l'internet russe s'amusait beaucoup avec les mèmes sur Poutine, un président qui se prête particulièrement bien à ce genre d'exercice", relève Slate.

 

Vague de mesures de contrôle du net

Cette annonce n'est pas isolée : elle s'inscrit dans une vague de mesures des autorités russes visant à mieux contrôler le net. Depuis août 2014, une loi oblige les responsables de blogs comptant plus de 3000 lecteurs à s'enregistrer auprès de Roskomnadzor, et à respecter les lois sur la presse. Cette loi oblige également les réseaux sociaux à conserver et mettre à disposition des autorités une sauvegarde de tous les contenus postés sur leurs sites durant les six derniers mois.

Quelques mois plus tôt, plusieurs sites et blogs, dont le blog d'Alexei Navalny et un portail d'informations fondé par Gary Kasparov, avaient été bloqués par les fournisseurs d'accès à Internet, sur demande du même Roskomnadzor. "La Russie profite ici d'un arsenal législatif spécialement taillé pour la censure en ligne, avec la constitution d'une liste noire officielle regroupant les sites interdits. Selon une procédure bien particulière, un site peut être mis à l'index en quelques heures", expliquait alors le site Numerama.

Le motif invoqué pour ces fermetures : avoir appelé à des manifestations non autorisées. Car l'arsenal législatif russe permettant ces blocages s'est progressivement étendu, expliquait encore Numerama : "Initialement, il s'agissait d'un texte visant à protéger les mineurs. Les premiers sites censurés étaient des sites contenant de la pornographie, relatifs au suicide, promouvant la drogue ou propageant des idées extrémistes. Or cette dernière notion, particulièrement floue, est l'une des clés du dispositif pour s'attaquer à d'autres sites n'entrant pas dans les catégories précédemment citées." Avec la mise au point juridique concernant les mèmes de célébrités, les autorités russes ont en main un outil supplémentaire à leur arsenal de contrôle.

L'occasion de (re)lire l'article de notre chroniqueur Rafik Djoumi sur l'histoire des mèmes : "Dix ans après, les Mèmes. Une brève histoire des lolcats, Star Wars Kids et autres Numa-Numas", et de revisionner notre émission sur l'image de Vladminir Poutine dans les médias occidentaux.

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