Rouhani : 140 signes sous un turban
Daniel Schneidermann - - Nouveaux medias - 0 commentairesTrop sympa, ce nouveau président iranien, cet Hassan Rouhani. Vraiment cool.
Appelé au téléphone par Obama, il tweete aussitôt sur sa conversation, et dégaine plus vite qu'Obama une photo bien plus cool que celle d'Obama. Il faut bien quelques bonnes heures pour que la planète, médusée par tant de coolitude, s'avise que Twitter reste étroitement surveillé en Iran, et que l'immmense majorité des Iraniens n'auront donc pas accès au tweet du président.
Après quelques jours, ayant pris la mesure de l'événement, le PDG de Twitter, Jack Dorsey, l'interpelle : "bonsoir président. Les citoyens d'Iran peuvent-ils lire vos tweets ?" -où l'on apprend, accessoirement, que Dorsey s'est royalement attribué le @Jack, l'un des identifiants sans doute les plus convoités du monde. Et Rouhani répond. Il répond parfaitement. En 140 signes tout juste (on a compté), ayant effectué toutes les abréviations nécessaires, ce qui montre à quel point il a calibré son gazouillis au signe près. |
Au-delà de l'échange lui-même, c'est ce calibrage, qui nous rend immédiatement proche le président iranien. Tous les twittos du monde peuvent se sentir en empathie leur camarade présidentiel aux prises avec leurs difficultés familières, ce moderne cauchemar du chausse-pied, qui consiste à faire entrer une pensée ou un message dans le cadre étroit des 140 signes. Hop, transformons "people" en "ppl", "to" en "2", éliminons un espace ici, ni vu ni connu, etc. Non seulement Rouhani parle anglais, mais il parle le globish-twitto-texto des ados d'occident. Le tweet de Rouhani, c'est l'accordéon de Giscard, les MacDo d'Obama, les exploits sportifs de Poutine. Il n'y manque que les LOL, les MDR, et le smiley. Accessoirement, il est permis de constater que Rouhani ne promet rien, strictement rien. Mais c'est tellement bien dit.