Roms : derrière le lynchage
Daniel Schneidermann - - 0 commentairesCet étrange, cet insoutenable soulagement, quand on entend enfin Valls et Hollande condamner le lynchage d'un adolescent Rom soupçonné de cambriolages
, après un silence de quelques heures. Cet absurde soulagement : évidemment, qu'ils allaient condamner. En doutait-on ? Bien sûr, qu'on en doutait. Tant de reniements déjà sur tout, et les phrases de Valls sur le mode de vie des Roms "en confrontation" avec celui des Français, leur vocation à rentrer en Roumanie : pourquoi ne basculeraient-ils pas, finalement, dans le silence complice ?
Valls et les autres, sont-ils les inspirateurs des lyncheurs de Pierrefitte ? C'est ce que le sociologue Eric Fassin est venu dire, sur le plateau du Grand journal. Un peu prématurément peut-être. Attendons les résultats de l'enquête. Mais les arguments de Fassin sont plus facilement vérifiables quand il rappelle le silence médiatique sur les violences faites aux Roms. "Lorsqu'on a un bobo qui, à République, jette des produits corrosifs sur des personnes qui dorment dans la rue. Quand il est arrêté qu'est-ce qui se passe ? Il est relaxé." Aphatie, (moue sceptique) : "Vous avez un exemple précis ?" Fassin, qui n'attendait que ça : "Ca vient de se passer, mais vous avez raison de souligner qu'on en a très peu parlé, c'est sans doute pourquoi vous n'êtes pas au courant". Précisons pour Aphatie (puisque je prends l'habitude de lui donner des conseils de lecture) que l'affaire a été révélée par Mediapart, reprise par plusieurs autres medias (dont Le Monde). Quant à la relaxe du prévenu (le caractère corrosif du produit n'a pas été démontré), elle a fait l'objet d'un article circonstancié dans Libé.
'Est-ce qu'on a parlé dans Le Monde, dans Libération, dans Le Figaro, ou même par une dépêche de l'AFP, poursuit Fassin, du fait que Manuel Valls a été cité à comparaitre pour incitation à la hainre raciale ? Si on veut comprendre la responsabilité des responsables, il faut bien comprendre celle de ceux qui refusent d'en parler, comme s'il ne se passait rien". Vérification faite, la réalité est (un peu) plus nuancée. La plainte du MRAP contre Valls pour ses propos sur les Roms a fait l'objet d'une dépêche Reuters. La citation à comparaître qu'elle a entraînée, pour le 5 juin dernier, a été nettement moins reprise. Vous avez dit le 5 juin ? Mais Valls a-t-il donc comparu ? Non. Le Tribunal de Paris s'est accordé un délai de réflexion...jusqu'au 28 mai 2015, rebondissement qui pour sa part a été très peu repris par les medias français, plus diligents quand il s'agissait de Guéant ou de Hortefeux.