Retraites, retour au fond
Daniel Schneidermann - - 0 commentairesA la demande générale, parlons donc d'autre chose,
chassons la boue, le superficiel, l'anecdotique, l'énervant fait-divers. Regagnons les rivages enchantés du débat de fond. Revenons donc sur cette passe d'armes Royal-Cohen, sur France Inter, ce jeudi matin: Sarkozy, en 2007, avait-il promis d'augmenter les retraites de 25%, ou seulement le minimum vieillesse ? "La promesse portait sur toutes les retraites, il ne l'a donc pas tenue", argumente Royal. "Pas du tout, la promesse portait seulement sur le minimum vieillesse, et elle a été tenue", réplique Cohen. Heureusement, aux désintoxicateurs débaratineurs démenteurs débidonneurs débleuffeurs (je vous rappelle que le concours terminologique lancé par Anne-Sophie tient encore) du matin, papa Google offre ses secours. Verdict: la promesse portait bien sur le minimum vieillesse et elle a été tenue. Source de la confusion: une vidéo de campagne de Sarkozy en 2007, dans laquelle la promesse finale du candidat est bien ainsi formulée "j'augmenterai vos retraites de 25%". Mais cette promesse suit elle-même un long dégagement sur les "trois millions de retraites inférieures au minimum vieillesse". Le "vos retraites", en toute logique, s'applique donc bien aux retraites inférieures au minimum vieillesse (contrairement à ce que pourrait laisser penser le trompeur arrêt sur image qui illustre cette chronique). Cette vidéo est notamment propagée par Désirs d'avenir. Peut-être Royal ne l'a-t-elle pas assez attentivement regardée.
Ce bref état des lieux suggère plusieurs questions. La confusion entretenue par Sarkozy dans sa vidéo de 2007 était-elle volontaire ? L'erreur de Royal au micro de France Inter est-elle tout aussi volontaire ? S'il est répondu par l'affirmative à cette dernière question, Royal s'imagine-t-elle que les auditeurs ne disposent pas du moyen de la rectifier, en moins de temps qu'il en faut à un matinaute pour solliciter papa Google ? Dernière question, la plus troublante: et si tous deux, l'un avec ses promesses ambiguës, l'autre avec ses mensonges, tous deux pariant donc sur l'ignorance, l'indifférence, l'amnésie, le "un clou chasse l'autre", le vacarme, les diversions, et si tous deux avaient raison ? Les rectifications pointilleuses, les scrupuleuses approches de la vérité, de toutes les rubriques "Désintox" que multiplient très opportunément les journaux, combien d'électeurs touchent-elles vraiment ?
C'était notre retour au débat de fond.