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Ervé
*Lettre depuis ma prison : ne détournez pas le regard*
Par Boualem Sansal
Mes amis,
Si cette lettre vous parvient, c’est que malgré les murs, les verrous et la peur, il existe encore des brèches par lesquelles la vérité peut se faufiler. Je vous écris depuis une cellule où l’air se fait rare, où la lumière n’entre que pour rappeler aux prisonniers qu’ils sont toujours en vie, mais jamais libres.
Je ne suis ni le premier ni le dernier à subir l’arbitraire du régime algérien. Ici, la prison n’est pas un lieu exceptionnel réservé aux criminels, mais un outil banal de gouvernance. La dictature enferme comme on respire : sans effort, sans honte. On enferme les journalistes, les militants, les écrivains… et parfois même ceux qui n’ont rien dit, juste pour servir d’exemple.
Ma faute ? Avoir persisté à croire que les mots pouvaient sauver ce pays de ses propres démons. Avoir écrit que l’Algérie ne se résume pas à un drapeau et un hymne, mais qu’elle est d’abord un peuple qui mérite dignité et justice. Avoir refusé que l’histoire se répète, que la corruption et la violence continuent de tenir le haut du pavé.
Je souffre, oui. Mon corps me trahit, la maladie grignote mes forces, et le régime espère que je partirai en silence. Mais qu’ils se trompent ! Ma voix, même enchaînée, ne leur appartient pas. Si elle peut encore atteindre l’extérieur, c’est pour dire ceci : ne croyez pas à leur façade de respectabilité. Ce pouvoir n’est pas un État, c’est une machine à broyer.
À la France, je m’adresse sans détour. Vous avez été ma deuxième patrie, mon refuge intellectuel. Vous qui vous proclamez patrie des droits de l’homme, souvenez-vous que ces droits ne s’arrêtent pas aux rives de la Méditerranée. Les gouvernements passent, les diplomaties calculent, mais les principes, eux, doivent tenir bon. Ne baissez pas les bras, ne sacrifiez pas vos valeurs sur l’autel des intérêts économiques ou des alliances de circonstance.
Je ne demande pas ma liberté par charité, mais au nom de ce qui fonde toute société humaine : la justice. Si vous cédez aujourd’hui devant un régime qui se croit intouchable, demain, d’autres prisons se rempliront, d’autres voix s’éteindront.
Aux Algériens, mes frères et sœurs, je dis : tenez bon. La peur est une prison plus vaste que celle où je me trouve, et elle est plus difficile à briser. Mais je sais qu’un jour, le mur tombera. Les dictateurs finissent toujours par tomber. Quant à moi, je continuerai à écrire, même si mes pages restent cachées sous ce matelas de prison. Car l’écriture, c’est la seule liberté qu’ils ne peuvent pas confisquer, et c’est par elle que nous survivrons.
Boualem Sansal
Prison d’El-Harrach, Alger
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Petit_tofu
Il semble qu'il n'y a pas d'opposition en Turquie, juste des "terroristes".
Merci d'avoir mis ce procès en lumière.
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Ervé
Ces jours-ci, Delogu est en Algérie pour demander la libération de Boualem Sansal, détenu depuis sept mois et demi à la prison de Koléa, près d'Alger (verdict demain, 1er juillet), et du journaliste sportif Christophe Gleizes, condamné par le tribunal de Tizi-Ouzou à sept ans de prison ferme.
Mais nooon, je plaisante. M -
Bertrand ARNAUD
Grand soulagement quant au fait que Zehra Kurtay ne soit pas expulsable vers la Turquie. Maintenant il faut l'accueillir pour de bon, pas laisser cette menace d'expulsion planer au-dessus de sa tête, c'est pas une vie.
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Ervé
A propos d'emprisonnement, quelqu'un a des nouvelles de Boualem Sansal ?
@si avait fait un article à charge puis invité son principal contempteur dans une émission, et depuis c'est silence radio sur le site.
Quelques uns ici me répondront : "mais qu'est-ce qu'on en a à battre du sort de cet écrivain d'extrême droite soutenu par ses amis pétitionnaires d'extrême droite ? On est de gauche, nous, de cette gauche pure qui a suffisamment de grandes causes de gauche à défendre.
Mais tout de même camarades, un citoyen franco-algérien enfermé depuis plus de sept mois par un dictateur dans un centre pénitentiaire à la suite d'une parodie de procès, et mourant à petit feu de son cancer, ça ne titille pas, ne serait-ce qu'un chouia, votre conscience d'humanistes authentiquement de gauche ?
J'ai l'air de faire la leçon, mais je dois avouer que je me suis, moi aussi, un peu désintéressé de sa situation. Et avec le programme sportif estival qui s'annonce, finale du rugby samedi prochain, Tour de France, Wimbledon and so on, ça ne va pas améliorer les choses.
Mais j'ai des excuses. Le fait d'appartenir à une gauche molle, frelatée, ne me prédispose pas à trop me formaliser des injustices. -
robin
tous les autocrates s'en prennent aux journalistes, c'est bien connu! il suffit de consulter la longue liste des journalistes morts pour le vérifier! le bâtiment de la tv iranienne a été détruit!
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Jiemo
voté
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whitechalk
Merci de nous alerter sur cette situation franchement intolérable. Possible d'inviter Zehra Kurtay pour mieux comprendre la situation (un peu nébuleuse dans l'article). Comment est-il possible que la France ait fait subir à une personne torturée par le passé pour ses convictions et son travail de journaliste, une incarcération sur son sol. Je suis choquée d'apprendre tout ça.
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Tristan Le Gall
Soutien à cette journaliste. Et honte au gouvernement, préfets et juges qui ont pris cette décision.
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Max Médio
Merci de nous alerter sur l'ineptie criminelle de celles et ceux qui s'assoient sur le droit des réfugiés jusque dans les préfectures.
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gracques
Qui se souvient de cette époque , les années Mitterrand -( au début) où la France accueillait tout à la fois des réfugiés politiques d'URSS et du CHILI ?
J'étais fier de mon pays a cette époque !
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DéLecteurdeVraiThé
""Ni-ni", ni expulsable, ni régularisable. "Elle tomberait dans les limbes de l'administration française, sans pouvoir quitter le territoire…" " La France fait le choix du kafkaesque par manque de courage, le courage de rester digne à sa devise passée de respect des droits de l'homme
pourquoi erdogan met-il la France dans ce dilemme, quels sont les enjeux ?
à mon tour de vous remercier pour cet article
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biscotte77
Merci pour elle et pour ce papier. Voté.
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pompon
Soyons fier de notre belle démocratie, un modèle de respect des droits de l'homme.
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Lorie
Merci pour cet article pour lequel, j'ai voté. A par ça, ne sachant que faire, je voudrais savoir s'il existe une pétition de soutien.