Recapitalisation banques : manipulation ? (blog)

Dan Israel - - 0 commentaires

L'Europe manipule-t-elle les chiffres de la recapitalisation bancaire ?

Sur son blog, hébergé par Lemonde.fr, George Ugeux, PDG d'une banque d'affaires basée à New York et ancien vice-président de la bourse de New York, s'énerve contre le flou entretenu autour de la santé financière du secteur bancaire européen.

Hier, le ministre de l'Economie François Baroin a annoncé sur Europe 1 qu'une soixantaine de banques européennes devraient être recapitalisées (c'est-à-dire emprunter ou se faire prêter de l'argent), pour un montant global d'environ 100 milliards d'euros. Voilà qui n'a pas plu à Ugeux : "L’absence de transparence et la confusion créées par les informations émanant des discussions européennes commence à ressembler furieusement a de la manipulation politique", balance-t-il.

Objet de son énervement ? Les gouvernements européens affirmeraient que ces 100 milliards de recapitalisation sont destinés uniquement à amortir les effets de la crise grecque, et notamment de la "décote" annoncée de la dette souveraine du pays : les investisseurs qui ont acheté des titres de dette grecque ne se verront pas rembourser l'ensemble de la dette qu'ils détiennent. Cette décote devrait tourner autour de 50%.

Or, souligne le financier, l'ensemble des banques européennes détiennent l'équivalent de 32 milliards d'euros de dette grecque. "Même si finalement 50% de cette dette étaient abandonnés, le montant maximum serait de 16 milliards d’euros !", signale-t-il. On est loin des 100 milliards annoncés. "La seule explication est que la recapitalisation des banques européennes dont il est question vise d’autres situations que la Grèce, tout en ne parlant que d’elle", souligne Ugeux. Sans le dire, il pense sans doute aux difficultés économiques de l'Italie, ou de l'Espagne.


Politiques et médias lient recapitalisation et dette grecque

A-t-il raison de s'emporter ainsi que ce qui "devient de l’intoxication pure et simple" ? La recapitalisation envisagée par les gouvernements européens a-t-elle des objectifs inavoués ? Concernant l'étincelle qui a déclenché sa colère, sans doute pas. Baroin a en effet indiqué que ce niveau de recapitalisation bancaire était conçu "pour affronter tous les chocs". Sous-entendu : pas seulement la situation grecque. Entre les lignes, le ministre reconnaît que les situations d'autres pays sont inquiétantes.

Mais sur le fond, Ugeux n'a pas tort d'enrager contre le discours qui lie la recapitalisation uniquement à la crise grecque : il est partout, dans les médias et dans la bouche des responsables. Ainsi, hier encore, Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, s'exprimait sur la recapitalisation des banques françaises sur BFM. Où il n'a parlé que de la dette grecque: "Les banques françaises sont bien capitalisées, ne sont pas exposées à des risques particuliers; (…) Le coût supplémentaire que peut avoir le traitement de la dette grecque est quelque chose qui est parfaitement absorbable."

Le lien est également fait explicitement par bien des journaux, dont Les Echos, qui écrivent : "Reste à savoir désormais quelle sera l'importance de l'effort financier que devront consentir les établissements bancaires, notamment en matière de recapitalisation. Un coût qui sera largement dépendant du niveau de décote de la dette grecque qui sera retenu au terme des négociations actuelles."

Le journaliste du Monde qui suit les négociations entre Nicolas Sarkozy et Angela Merkel, ne dit pas autre chose. Aujourd'hui, il affirme sur son blog que la dette grecque va "être restructurée, d’au moins 50%" et que "pour limiter l’onde de choc, les banques seront recapitalisées à hauteur de 100 milliards d’euros au moins". Ce week-end, il était tout aussi clair : "A l’ordre du jour, la recapitalisation des banques, rendue nécessaire par la faillite qui ne dit pas son nom de la Grèce. On s’entend sur un montant supérieur à 100 milliards d’euros, qui doit permettre aux banques d’amortir le choc."

Leparmentier et Ugeux, collègues de blog sur Lemonde.fr, auraient bien des choses à se dire s'ils se croisaient dans les coulisses des négociations.

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