Ramadan : pas de trève dans la guerre du halal (C+)
Laure Daussy - - 0 commentaires Voir la vidéoLes produits halal sont-ils vraiment halal ?
Canal+ a diffusé la semaine dernière, au tout début du ramadan, une enquête dans l'émission Spécial investigation. Il s'agissait en fait de la rediffusion d'une précédente enquête, diffusée en octobre 2010, augmentée de nouvelles séquences.
Que trouve-t-on dans ces nouvelles séquences ? Sans surprise, le réalisateur Feurat Alani aborde l'affaire des saucisses Knacki Herta halal (nous avions mené l'enquête de la première diffusion). De quoi s'agissait-il ? Un site internet, debat-halal.fr avait lancé une expertise auprès d'un laboratoire. Résultat: des traces de porc avaient été retrouvées dans les saucisses. Or, elles avaient été certifiées halal par la Mosquée de Paris. La Mosquée avait riposté en lançant une contre-expertise, qui ne trouvait, au contraire, aucune trace de porc dans ce produit. Contre-expertise critiquée par le site Al-Kanz, lequel avait relayé amplement la première expertise. Toute cette affaire est relatée dans le documentaire. Mais un élément manque toutefois.
Qui se cache derrière la première expertise ? Nous vous précisions qu'il s'agissait en réalité d'un site financé par Baker Viande, société qui vend elle-même... des viandes halal. Donc quasiment un concurrent de la Mosquée de Paris. Or, le documentaire omet de le préciser. L'affaire débute sur internet, "le site Debat-halal publie une analyse gênante" se contente de préciser le journaliste |
Quoiqu'il en soit, la Mosquée de Paris est également mise en cause par Canal+, qui montre qu'elle peine à préciser combien de contrôleurs sont employés pour vérifier les chaines de production. Plus généralement, le documentaire montre le vide juridique lié à la définition du halal. Aucune charte n'existant, des entreprises estampillent halal des produits qui ne le sont pas.
La rediffusion du reportage a relancé la polémique dans la communauté musulmane, rapporte l'AFP. Après cette diffusion, huit élus locaux musulmans ont demandé "la création d'une commission d'enquête parlementaire pour faire toute la lumière sur le marché du halal dont certaines pratiques commerciales peuvent s'apparenter à de l'escroquerie publique, faute d'une législation claire et précise". Selon eux, le reportage de Canal+"révèle plusieurs dysfonctionnements graves, inquiétants et illicites qui ne peuvent rester sans réaction".
Claude Guéant était interviewé ce lundi à ce sujet par l'AFP. Le ministre de l'Intérieur a estimé qu’il n’était "pas question que l’Etat aille se mêler de ces affaires religieuses. L’Etat français est un Etat laïc et il ne lui appartient pas d’être l’instrument de l’organisation d’une pratique religieuse". Et de rappeler que c'est aux responsables religieux musulmans de s'organiser, notamment le CFCM. Interview critiquée par Al Kanz. Pour le site, il ne s'agit pas d'entrer dans le champ du religieux, mais "des lois de la République", puisqu'il s'agit d'une violation "du code de la consommation". "Quand un produit contient une substance qui n’est pas indiquée sur l’étiquette, quand du porc est retrouvé dans un produit réputé ne pas en contenir, c’est de la tromperie."
Retrouvez notre enquête, "contre la Grande Mosquée, des blogs déclarent la guerre du Halal".