Rail africain : Rocard contre Bolloré (Le Monde)
La rédaction - - 0 commentairesLa ligne Cotonou-Abidjan, la "bataille" que Vincent Bolloré a "volée" à Rocard ?
Après sa série d’été sur Vincent Bolloré, lancé en Afrique dans la construction pharaonique d’une boucle ferroviaire de 3 000 kilomètres à travers cinq pays (sujet de notre émission de rentrée), Le Monde abordait hier une dispute franco-française sur le sujet. "Vincent Bolloré est en train d’essayer de nous voler", estime ainsi l’ancien premier ministre Michel Rocard. "Nous" ? "Africarail, une structure désargentée avec un petit bureau à Niamey dont il est le président d’honneur. A l’origine d’Africarail, il y a Michel Bosio, un expert ferroviaire qui exhume au début des années 1990 un vieux projet colonial", détaille le quotidien. Projet qu’il soumet à Michel Rocard, alors président de commission de la coopération et développement au Parlement européen, à la fin des années 90.
Les deux hommes vont alors tenter de mettre sur pied cette gigantesque interconnexion ferroviaire, en faisant notamment jouer le carnet d’adresse de l’ancien chef de gouvernement français. Reste le problème du financement. A l’été 1999, Bosio et Rocard approchent Vincent Bolloré, qui opère déjà la ligne Ouagadougou - Abidjan. Mais l’homme d’affaires français émet des "craintes sur le plan de financement" et "pense qu’il n’y aura pas assez de trafic pour rentabiliser l’ensemble, selon un compte rendu de la réunion".
Un peu plus de dix ans plus tard, les "amis socialistes" de Rocard arrivent au pouvoir, et on lui "conseille" donc de se rapprocher d’Arnaud Montebourg qui se montre "enthousiaste". Mais le 7 août 2012, le ministre du redressement productif annonce qu’il apporte finalement le soutien de la France "au projet de Bolloré, qui a entre-temps changé d’avis sur l’intérêt économique de la grande boucle, fasciné, dit-on, par le potentiel de la mine de Tambao [une des plus grandes réserves de fer non-exploitées du monde]". Vexation ultime pour Africarail de Rocard et Bosio : la société de Bolloré qui centralise une partie de ses opérateurs de chemin de fer africains se nomme… Africa Rail Innovation. "Une maladresse" selon le groupe français, qui assure qu’elle changera de nom.
En attendant, Bosio a porté plainte contre l’État français cet été devant le pôle financier, et Rocard rappelle que les "États [africains] se sont engagés et ont signé des accords avec Africarail". Surtout, pour l’ancien premier ministre, "la grande boucle ferroviaire est un projet à hauteur de la France, de l’Europe. S’il n’est pas question de le réaliser sans Bolloré, il faut qu’il comprenne qu’il doit respecter le droit. Et qu’il ne peut pas le mener à bien seul".
L’occasion de voir notre émission : "Bolloré l'Africain", sujet tabou pour les medias ?